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Domaine étranger Petites frappes chirurgicales

janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59 | par Gilles Magniont

Steve Hodel relate une enquête glaçante, L’Affaire du Dahlia noir, qui donne raison à la littérature tout en l’excédant.

L' Affaire du dahlia noir

Signalement : sexe féminin, américaine, 22 ans, 1,70 m, 53 kilos, yeux verts, très séduisante, dents inférieures en mauvais état, ongles rongés jusqu’au sang. Le sujet a été assassiné avec une grande brutalité. Corps retrouvé coupé en deux et mutilé le 15 janvier 1947, croisement 39e Rue et Norton Avenue » (bulletin du département de police de Los Angeles, dit LAPD). Cette histoire est vraie, c’est celle d’Elizabeth Short, qui sera dès lors surnommée le Dahlia Noir (mystère, exotisme, fantasmes divers autours de la femme morte), et dont le crime restera impuni : aux États-Unis, sans doute le plus célèbre fait divers du siècle, du fait notamment de sa chirurgicale mise en scène.
Steve Hodel, chef des inspecteurs du LAPD à la retraite, apprend en 1999 la mort de Georges Hodel ; il met la main sur un petit album photo ayant appartenu à ce père prolifique et lointain (dix enfants et quatre mariages) ; à l’intérieur, des clichés de femme, dont l’une l’intrigue tout particulièrement, jusqu’à ce qu’il mette un nom sur son joli visage : « c’était elle, le Dahlia » ; trois ans plus tard, au terme d’une éprouvante recherche, il conclut 1) que son père est bien le meurtrier d’Elizabeth Short 2) qu’on peut lui attribuer dix autres « victimes probables », entre 47 et 50. Cette histoire-là est aussi vraie que la première. Ce qui est révélé à coup de pièces à conviction dans l’Affaire du Dahlia noir ne constitue rien d’autre que la version étoffée d’un dossier d’enquête remis sur le bureau du district attorney celui-ci de répondre : « Il n’est pas peu ironique que le fils d’un des assassins les plus cruels de l’histoire de Los Angeles soit non seulement devenu inspecteur des homicides au LAPD, mais celui-là même qui devait établir la culpabilité de son père »
Que dirait-on, s’il s’agissait d’une fiction ? Que l’auteur y va un peu fort en inventant le « mal incarné » : Hodel père, tour à tour artiste, chirurgien, psychiatre et homme d’affaires, apparaît comme une figure exacerbée de la domination, un dieu vengeur et malade qui ne mit jamais de frein à la satisfaction de ses désirs tout en préservant la plus belle des façades. Installé au cœur d’Hollywood, il fraie avec la meilleure société, d’Henry Miller à John Huston en passant par son ami intime Man Ray. Douteuse avant-garde, qui n’atteint pas toutefois au sordide de l’institution : en ce sens, la peinture des corruptions policières aurait encore pu être reprochée à un romancier, tant elle défie toute vraisemblance. Car si l’assassin n’a jamais été publiquement mis en cause jusqu’à ce jour, c’est que la vérité « avait été détruite sur ordre » ; Hodel découvre que son père fut bel et bien mis sur la sellette par un jury indépendant, mais qu’en fin de compte, averti qu’il était d’un réseau d’avortements clandestins protégé par la police, comme des maladies vénériennes du tout Hollywood, il put bénéficier de la protection du LAPD, avant de se faire oublier en Asie. Bienvenue au Daliahgate.
Évoquant sa brillante carrière et sa candeur passée, Hodel confesse : « Il n’y avait aucune différence entre moi et mon double télévisuel » des séries policières. Il lui fallut sans doute beaucoup de courage pour aller jusqu’au bout de ce livre et dévoiler le visage du père et de la famille d’accueil, le LAPD, « la meilleure police qu’on puisse acheter ». Cette exigence de vérité, l’attention scrupuleuse aux détails et la compassion envers les victimes à rebours des déflorations journalistiques font immanquablement penser à James Ellroy, qu’on ne s’étonnera pas de voir signer ici la préface. Rappelons que ce dernier avait lui-même évoqué le meurtre d’Elizabeth Short sous un angle romanesque, en y projetant celui de sa propre mère. Alors, lorsque Hodel dresse une liste circonstanciée et rationnelle des femmes isolées qui ont pu être la proie de son père, et qu’il y inclut la mère d’Ellroy, on éprouve, à simplement envisager cette possibilité, une sorte de vertige.

L’Affaire
du Dahlia noir

Steve Hodel
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Robert Pépin
Le Seuil, 582 pages, 23

Petites frappes chirurgicales Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°59 , janvier 2005.
LMDA papier n°59
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