Comment détruit-on un être humain ? Par des remarques critiques quotidiennes. En frappant aux endroits sensibles. Par de petites gouttes qui creusent la pierre. « C’est à la relation d’une telle entreprise de sape, d’une sorte de désescalade douloureuse, que se livre, à grands renforts de procédés narratifs divers, la Danoise Kirsten Thorup. Allers et retours temporels, monologues enregistrés à l’attention d’une psychanalyste, lettres et pages rescapées d’un journal intime, aphorismes ( » La mode est un des multiples visages de la mort « ), métaphores souvent surprenantes mais justes ( » la fragile banquise du refoulement « ), narration omnisciente enfin : les personnages sont ici pris dans un réseau étroit qui tente de les circonvenir, mais sait leur laisser, habilement, leur opacité. Qui, de Nina, femme d’origine modeste qui deviendra peu à peu une artiste à la mode, ou de Stefan, son époux, dont elle divorcera sans pouvoir s’en détacher, metteur en scène célèbre qui mourra du sida qui a véritablement aimé ? qui a détruit l’autre ? Le lecteur peut être pris de quelque vertige ou de quelque lassitude face à cette accumulation de faux aveux, de mensonges délibérés, d’hypothèses et de rétractations, de ratiocinations… mais » Les mensonges ? Les tromperies ? Je considère toutes ces disons toutes ces histoires comme indispensables. C’était le liant fragile qui empêchait ma vie de voler en éclats. " Le pathétique, par ailleurs, et même s’il est attribuable aux personnages, peut agacer mais c’est qu’ils sont, les uns et les autres, semblables à nous, faibles et bavards, seuls et désespérément en quête d’un jugement qui, quel qu’il soit, leur donne, enfin, consistance.
Bonsaï de Kirsten Thorup
Traduit du danois par Terje Sinding
Éditions Circé, 289 pages, 20 €
Domaine étranger Diagnostic réservé
janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59
| par
Thierry Cecille
Un livre
Diagnostic réservé
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°59
, janvier 2005.