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Avec la langue Académance

février 2005 | Le Matricule des Anges n°60 | par Gilles Magniont

Les Immortels ont des visions, et leur dico a la pétoche.

Le 26 octobre 2004, au Palais de l’Institut, Florence Delay expose l’adoption, par l’Académie française dont elle est membre, du terme de convivance. On n’avait pas su traduire un appel à la paix de Jean-Paul II, lequel prêchait la « convivenza » ; on saura désormais. Florence Delay est toute à la joie de cette création lexicale : lorsque « notre compagnie adopta « convivance » à l’unanimité moins une ou deux abstentions, une étrange sensation de reconnaissance m’envahit. Je revis des clochers en brique ressemblant à des minarets, des églises en forme de synagogues, j’entendis bruire l’eau des fontaines à l’intérieur d’une cathédrale qui était une mosquée ». Rien que ça. Non pas que les vénérables académiciens se bourrent de psychotropes. C’est que la neuve convivance rappellerait l’ancienne convivencia espagnole : quand, du VIIIe au XVe siècle, juifs chrétiens et musulmans vécurent en paix. De là cette suggestion d’un paysage fusionnel.
On pourrait aussi bien considérer qu’un tel terme ne suggère rien du tout. C’est bien la raison pour laquelle il pourrait être bientôt préféré à la coexistence (qui déploie de grands espaces), à la convivialité (qui connote l’apéro) ou à la cohabitation (qui rappelle Balladur). Convivance arrive ainsi à point nommé pour être rangé aux côtés des dérivés très en vogue dominance, gouvernance ou maltraitance : ils ont en commun l’abstraction filandreuse. Pour se perdre dans certaines incertitudes sémantiques, il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur les articles des dictionnaires et les mises au point des institutions autorisées. « Où commence la maltraitance ? », s’interroge l’Unicef ; en 1987, selon le Petit Robert. Mais l’Université de Neuchâtel assure qu’elle « a toujours existé et est toujours un sujet d’actualité », avant de remarquer qu’il est toutefois « difficile de donner une définition précise du mot ». Quant à la gouvernance, elle se bornait au Moyen Âge à désigner l’exercice du pouvoir politique ; mais ayant fait un stage dans les entreprises anglo-saxonnes, elle nous revient quelque peu défigurée. L’Institut de la Gouvernance note justement que « par son caractère hétérogène, le mot gouvernance revêt aujourd’hui de multiples significations ». Une clarification s’impose donc : « Le concept de gouvernance repose sur le postulat suivant : la société mondiale connaît une crise de gouvernabilité ». Et fondamentalement de gouvernantité.
Simple tendance au jargon ? Peut-être un peu plus. Car c’est à chaque fois une relation où s’exerce quelque violence bien sûr envers épouses et enfants (maltraitance), mais aussi envers employés et citoyens (gouvernance, dominance) que tous ces termes nébuleux recouvrent. Ainsi floutent-ils délicatement ce qu’ils prétendent reconnaître. Et notre convivance aura accompli un remarquable bond en avant, puisque c’est la menace même du voisin qu’il s’agit maintenant de conjurer. Voilà qui ne saurait surprendre les académiciens : leur institution est née d’un dix-septième siècle où l’angoisse du trouble était telle qu’on s’avisa d’apaiser les mots, d’en gommer les aspérités ainsi qu’on lisse des relations, d’atténuer leurs différences comme pour croire à la concorde. Il s’agissait déjà de mettre la langue au « régime d’hiver »*. En 2005, va alors, sans remords, pour une éventuelle conquêtance de la Corée du Nord. Et préconisons l’émasculance des pédophiles. Simple principe de précautance.

* L’expression est de Pierre Lepape, dans Le Pays de la littérature (Seuil, 2003)

Académance Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°60 , février 2005.