Connu d’abord comme poète, Jean-Louis Giovannoni n’a jamais cessé de casser les ornières stylistiques dans lesquelles on a voulu l’enfermer. Ses premiers livres de Garder le mort à Ce lieu que les pierres regardent jusqu’aux anthologies parues aux éditions Unes dessinent une écriture tout en concision, économe de ses moyens expressifs, interrogative, où le corps reste le pivot central autour duquel le monde est interrogé. Ensuite, Jean-Louis Giovannoni multipliera les voix dans ses poèmes pour peindre les cris et chuchotements d’un colloque des visages rageurs. La dimension presque phénoménologique, distanciée, de ses débuts sera cassée avec une violence que L’Élection (Didier Devillez, 1994) et surtout Le Journal d’un veau (Deyrolle, 1996) amorcent radicalement. En fait, ce que Jean-Louis Giovannoni (né en 1950 à Paris) a toujours convoqué dans son œuvre, malgré une apparence méditative, recoupe une attention à la puissance psychique du vivant. C’est du théâtre mental que naît chacun de ses livres, théâtre non pas fictif et imaginé, mais composé à partir des scènes intérieures que la confrontation à ce que nous ne voyons et ne savons pas de nous-mêmes et du monde renvoie comme un miroir délirant. Assistant social des hôpitaux psychiatriques de Paris depuis plus de vingt-huit ans, élève de Hélène Chaigneau, fondatrice avec Jean Oury de la psychothérapie institutionnelle, et spécialiste de la psychose, on comprend quels rapports l’écrivain entretient avec ses propres ravagés, répercutant la voix coupée et tue qui est la leur, là où un délégué cherche, dans Le Lai du solitaire, à les convaincre de leur représentativité constitutionnelle.
La profération active et féroce de l’écriture de Jean-Louis Giovannoni en fait un des auteurs les plus singuliers aujourd’hui. Énonçant comment les rapports de classe rongent le frein de tout homme jusqu’à le faire grimacer, complexifiant sans caricature ce que ce donné façonne à l’intérieur de la vie mentale, Jean-Louis Giovannoni, avec une audace comparable à un Valère Novarina, trace les lignes de fuite d’un danser vertigineux, aussi inquiétant qu’une vérité vient trancher dans les tissus de l’âme nos raisons de tenir encore debout et de nous faire face.
Le Lai du solitaire poursuit votre cycle « romancé » engagé il y a neuf ans avec Le Journal d’un veau. Les deux livres sont sous-titrés « roman intérieur ». Que signifie cette mention ?
Ce terme « roman intérieur » dit quelque chose de très simple. Il s’agit avec cette série de romans intra-psychiques. À l’intérieur du mental d’un ou de plusieurs personnages (le veau dans Le Journal…, le ver solitaire dans l’enfant dans Le Lai…), il est question d’une voix qui est au moins double, voire triple, ou tout simplement proliférante, puisque je crois bien que dans la vie mentale le sujet ne se présente jamais de façon univoque, mais plurielle. Il y a toujours dans la vie psychique des éléments qui ne se résolvent jamais. Pourquoi : et...
Entretiens Gymnastique respiratoire
Avec la double publication du Lai du solitaire et de Danse dedans, Jean-Louis Giovannoni joue sur les tableaux assonants d’un exercice où vers et prose concentrent distinctement les expériences extrêmes de toute vie psychique.