Une peinture d’August Strindberg illustre la couverture de ce roman qui a remporté l’équivalent norvégien de notre Goncourt. Un ciel et une mer tourmentés y laissent deviner l’imminence du cataclysme qui va séparer une vie en un avant et un après. Arvid Jansen a pris connaissance d’un événement de cet ordre par la télévision. Le ferry transportant ses parents et ses deux jeunes frères s’embrasait en direct sur son écran. Six ans plus tard, il se réveille un matin en plein centre d’Oslo, incapable de se souvenir de sa nuit : « Ça faisait un moment que je m’y dirigeais, et maintenant j’y suis : au fond du trou ». Dans le sillage décrit comment Arvid passe de l’état de « sépulcre blanchi » d’alcool, de regrets et de remords à celui d’homme. La tâche est ardue entre ses filles dont on lui a retiré la garde et un père disparu trop tôt. Faute de n’avoir pas su l’aimer ni le tuer en son temps,
il le fait revivre à travers ses rêves, ses souvenirs d’une époque où « la chaleur était partout » et même « dans le t-shirt bleu de mon père et dans ce qu’il y avait en dessous ». Son frère aîné, avec lequel il n’a jamais renoncé à la compétition, l’accompagne dans ce long travail de deuil qui est aussi celui des espoirs déçus. Écrivain autrefois persuadé de publier des livres « qui seraient le miroir de tous » et de « devenir un jeune mort et accéder à l’immortalité », il doit s’accepter en « type oublié et vieillissant ». L’écriture de Petterson pique, cingle, gèle les velléités de son personnage. Dénuée d’amertume mais non de sarcasme, indifférente à la douleur des hommes, elle ressemble au froid de son pays de fjords et de forêts où « l’air pétille comme de l’eau minérale ».
Dans le sillage de Per Petterson
Traduit du norvégien par Terje Sinding
Circé, 171 pages, 18,50 €
Domaine étranger Gelures existentielles
novembre 2005 | Le Matricule des Anges n°68
| par
Françoise Monfort
Un livre
Gelures existentielles
Par
Françoise Monfort
Le Matricule des Anges n°68
, novembre 2005.