La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Histoire littéraire Les sots d’hommes de loi

novembre 2005 | Le Matricule des Anges n°68 | par Jean Laurenti

Chronique judiciaire d’une condamnation annoncée : le procès intenté par Oscar Wilde pour préserver son honneur sera le début de son chemin de croix.

Le Procès d’Oscar Wilde

Étrange sensation que celle qui accompagne la lecture des comptes rendus d’audience d’un procès qui s’est tenu en 1895 et dont les prolongements seront la déchéance publique d’Oscar Wilde, deux ans d’emprisonnement pour homosexualité et peu de temps après, sa mort. Étrange sensation que celle d’être introduit au cœur d’un événement tragique dont on ne connaissait que des échos apocryphes et qu’on trouve aujourd’hui restitué par les soins du petit-fils d’Oscar Wilde. Ambivalence d’une lecture, en effet, qui alterne moments de jubilation devant la virtuosité rhétorique et spirituelle de Wilde et sentiment d’oppression face aux éléments du piège judiciaire qui se referme implacablement sur l’écrivain. Dans l’Angleterre victorienne de 1895, un homme de loi qui cherche à démontrer la corruption des mœurs d’un artiste en vue, se transforme en un inquisiteur d’autant plus redoutable que son étroitesse d’esprit (qui n’est que le reflet de celle de la société bien-pensante qu’il représente) n’a d’égale que l’efficacité de ses plaidoiries.
Oscar Wilde, rappelons-le, est le plaignant lors de ce procès. Il accuse Lord Queensberry, le père de son jeune compagnon Alfred Douglas, de l’avoir insulté et diffamé en soutenant qu’il « pose au sodomite ». C’est la contre-attaque minutieusement préparée par la défense de Queensberry qui va aboutir à la chute de l’écrivain. Une part de la stratégie de l’avocat Carson consistera en des frappes répétées contre la ligne de Wilde selon laquelle l’artiste ne doit avoir que des préoccupations esthétiques : « Je me préoccupe exclusivement de littérature, c’est à dire de l’art. Le but n’est pas de faire le bien ou le mal, mais d’essayer de créer quelque chose qui aura une certaine forme de beauté » (…). Ainsi, à propos d’une revue à laquelle Wilde a contribué par des « Sentences philosophiques à l’usage de la jeunesse », Carson soumet Wilde à la question : que pense-t-il de la nouvelle « Le prêtre et l’acolyte » figurant dans cette même revue et mettant en scène la relation homosexuelle d’un prêtre et de son assistant, puis la mort par empoisonnement des deux personnages ?
« Du point de vue de la littérature, je la trouve tout à fait malséante.
Donc vous la désapprouvez seulement du point de vue littéraire ?
Pour un homme de lettres, il est impossible de juger un texte autrement que par ses défauts littéraires.
(…) A votre avis, ce texte n’était pas immoral ?
Il est pire que cela : il est mal écrit. »

Un peu plus loin, Carson attaque Le Portrait de Dorian Gray. (« Celui qui a découvert le péché l’y aura lui même placé », prétend Wilde.)
« Est-il possible de le considérer comme un livre sodomitique ?
Seulement pour les brutes épaisses. Seulement pour les ignares.
(…) Les opinions des philistins sur l’art ne peuvent être comptées, car leur stupidité est incalculable. »
Les questions relatives aux fréquentations d’Oscar Wilde donneront aux audiences une tournure des plus oppressante. Au fur et à mesure que seront évoqués ces jeunes garçons pauvres de vingt ans sans autre qualité que celle d’être charmants, les explications développées par Wilde deviendront de plus en plus pathétiques. Il y aura certes encore quelques sorties magistrales de sa part : « Je préférerais m’entretenir ne serait-ce qu’une demi-heure avec un jeune homme plutôt que, voyons, être soumis à un contre interrogatoire au tribunal. » Mais la nécessité de réfuter toute « pratique contre-nature » va entraîner Wilde dans une série de dénégations et de contradictions que Carson va jeter en pâture aux jurés. L’interpellation pourra, sans rappel à l’ordre, se faire obscène. Wilde : « C’était un être agréable et gentil. Il voulait devenir marin. » Carson : « L’avez-vous embrassé ? (…) Avez-vous passé votre main dans son pantalon ? »
Que faisait un homme qui disait ne se plaire que dans la fréquentation des plus hautes œuvres de l’esprit humain avec des jeunes gens incultes du Londres interlope ? Les jurés n’avaient plus qu’à formuler leurs réponses.

Le Procès d’Oscar Wilde
Transcription intégrale des comptes rendus d’audience réunis par Merlin Holland
Préface de Merlin Holland
Traduit de l’anglais par Bernard Cohen
424 pages, 19

Les sots d’hommes de loi Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°68 , novembre 2005.
LMDA papier n°68
6,50 
LMDA PDF n°68
4,00