Ce sont quatre exercices d’admiration qui ne ressemblent pas à des exercices et préfèrent le silence aux exclamations. Quatre textes sur des cinéastes, Cassavetes, Bresson, Guédiguian et une pièce de théâtre, Mademoiselle Julie qui ressemblent à des errances dans le monde, dans l’immanence du temps. C’est un livre fragile que ce cinquième ouvrage de Christophe Fourvel (auteur par ailleurs d’un livre pour la jeunesse). Nous y entrons par la photographie de couverture qui montre, en noir et blanc et presque de dos, John Cassavetes. Le premier texte tourne autour de cette image, prend des chemins de traverse autobiographiques qui ne mènent pas loin, c’est-à-dire qu’ils mènent en nous. Ce sont des détails infimes, un paysage, une parole qui permettent de dire « je » et que le texte « se tricote avec deux laines. C’est ce qu’il faut souhaiter à toute œuvre : le chiné ; la manière dont on la maille avec sa propre histoire. »
Ce que Fourvel dit des images de Cassavetes, on pourrait le dire de ses propres textes : « Nous rentrons chez nous avec le devenir des images dans le corps, plus lourd ou plus léger selon les sensations propres à chacun mais modifié dans la chair. » Dans les porosités sur quoi se bâtissent les textes ici, le lecteur pénètre un temps suspendu, une inappartenance au monde physique qui donne accès au monde sensible. Marseille avec Guédiguian apparaît dans des phrases aussi, et la ville, où est né l’auteur, ressurgit avec une tendresse amusée. Le dernier texte est plus sombre, il marie autour de Mademoiselle Julie les épouses de Strindberg et de Dagerman qui toutes les deux, à soixante ans d’intervalle, ont joué le rôle. Un rôle où, peut-être, l’on éprouve « individuellement tout ce qui est humain. » Jusqu’à la mort même.
Anything for John de Christophe Fourvel
La Dragonne, 66 pages, 12 €
Domaine français Fragments d’humanité
janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69
| par
Thierry Guichard
Un livre
Fragments d’humanité
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°69
, janvier 2006.