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Médiatocs Gros nombril

janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69 | par Thierry Guichard

La narratrice du roman d’Eliette Abécassis va accoucher. C’est un heureux événement. Sauf pour les lecteurs, anesthésiés à coup de bla-bla.

Un heureux événement

Certaines futures mamans se mettent à tricoter de petits vêtements pour l’enfant qu’elles attendent. Éliette Abécassis, elle, préfère tricoter des banalités à la première personne du singulier. Sa narratrice, qui lui ressemble, découvre qu’elle est enceinte. Le père a tout de l’homme idéal : rebelle et romantique, il l’emmène à Cuba ou Venise, propriétaire d’une galerie d’art près de la place des Vosges, il n’est pas obsédé par l’argent (c’est plus facile de ne pas vénérer l’argent quand on n’en manque pas). C’est donc « un heureux événement » que cette naissance. Et bien non. Parce que figurez-vous que la naissance d’un enfant, ça change beaucoup de choses. Dingue, non ? Par exemple, on grossit quand on attend un enfant et chez notre narratrice, c’est spectaculaire, ainsi son corps « grossissait à vue d’œil » (p.39), « mes muscles ont fondu à vue de nez » (p.40) (à vue d’oreille, rien à signaler cependant). Déjà, deuxième phrase du livre, au réveil, l’héroïne aperçoit « une drôle de protubérance devant (elle). » C’est quasiment La Métamorphose de Kafka à la sauce grosse nunuche.
Il y a donc un avant et un après la naissance sur quoi, comme une publicité pour un produit de régime, l’auteur va lourdement insister, multipliant les clichés. Avant : « Nous marchions. À la montagne, à la plage, devant la mer (il n’y a que Jésus pour y marcher dessus), dans les forêts. Nous étions sportifs. Nous passions des coups de téléphone. Nous prenions des bains. Nous lisions des livres en entier. » C’est beau, c’est grand, c’est l’amour où le temps s’incline : « devant le miracle de deux cœurs qui se joignent ». La jonction des cœurs suffirait-elle à faire les bébés ? Après donc, le corps grossit et c’est embêtant. Mais « heureusement, il y a Demi Moore. (…) Elle est allée aussi loin que Simone de Beauvoir dans la libération des femmes. Elle les a libérées de la honte de la grossesse. » Comment ? En posant nue et enceinte pour Vanity Fair. La pensée politique chez l’agrégée de philosophie s’abreuve aux magazines féminins.
On comprend vite que le sujet essentiel du livre, c’est la narratrice. Comme dans Mon père (2002) les personnages autour d’elle n’ont aucune épaisseur. Y compris la petite Léa qui vient de naître. Rien ne semble intéresser la narratrice qu’elle-même, sa cellulite, ses cheveux mal peignés, l’horreur d’être mère. Elle passe beaucoup de temps à se regarder dans les miroirs ce qui nous permet de connaître son nom : « Je regardai le miroir en articulant « Barbara Dray » pour me prouver que ces cheveux noirs, ces yeux sombres, (…) étaient bien les miens. »
Quand Barbara parle de l’amour, c’est pure poésie : « il m’a emmenée dans les maisons comme un prince murmurant une chanson (…) et le fleuve de notre amour était aussi grand que la mer. » Pour le reste, « être » et « avoir » constituent « à vue de nez » au moins 70% des verbes du livre.
Ce nombrilisme anesthésiant explique peut-être pourquoi ses correcteurs ont laissé passer quelques bourdes. Ici, une concordance des temps douteuse : « lorsque je ne pouvais pas me déplacer à cause de l’épisiotomie, je l’avais envoyé (son homme) faire les courses. » (p.94) Là, c’est une description du handball étrange où l’on voit la narratrice « courir à droite puis à gauche derrière le peloton » ! Ailleurs, c’est une femme qui dit avoir allaité ses enfants à partir du quatrième. Elle en a dix en tout, et Barbara de dire : « Tous les six ? Oui… » Signalons à Eliette que si on compte bien, cela fait sept. On mettra cette erreur de calcul sur les méfaits de la maternité. Dans la case « après », on pourra donc rajouter un « item » à la liste que nous inflige l’auteur : « Finis la ville gothique, les nuits plastiques, les jours dynamiques, les soirées magiques » (p.160) et donc les mathématiques.
Vers la fin du livre, Barbara abandonne sa fille. Pourtant, constate-t-elle « un lien solide s’était tissé entre nous. » (p.198) On se dit alors que plus de deux cents pages pour arriver à ce constat-là, ça donne vraiment envie de défendre l’avortement.

Un heureux
événement

Éliette Abécassis
Albin Michel
222 pages, 15,90

Gros nombril Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°69 , janvier 2006.
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