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Jeunesse L’éducation sentimentale

février 2006 | Le Matricule des Anges n°70 | par Malika Person

Quand les premiers émois amoureux d’un jeune adolescent en 1968 bouleversent radicalement son rapport au monde. Un roman attachant.

Ce qui séduit d’emblée dans ce Cœur d’artichaut, c’est la désuétude du héros/narrateur. Chantin, 13 ans, vit hors de l’air de son temps. « Il fallait pas trop me bassiner avec Mai 68. Il y avait grève à la télé, et toutes les émissions que je regardais (…) avaient été annulées ». Alors qu’autour de lui le monde bouge, tremble, change à vitesse grand V, Chantin mène une existence en retrait de toute cette agitation qui ne semble avoir aucune emprise sur lui.
Fils de concierges dans les beaux quartiers de Paris, le jeune adolescent apparaît comme un être transparent, si peu digne d’intérêt qu’on est prêt à parier qu’il va directement courir à la catastrophe avec les filles lorsqu’apparaissent ses premiers émois amoureux. Jusqu’alors ses uniques références en matière féminine sont cinématographiques (et maternelle, bien entendu). Il est amoureux des femmes sur toile, « les brunes avec de grands yeux. Natalie Wood, Claudia Cardinale, Raquel Welch ». Chantin a bon goût, remarquons-le.
Lorsqu’un jour la réalité rattrape la fiction, il est bouleversé. Bien entendu, elle est brune. Bien entendu, Américaine et très belle. Elle a 14 ans et vient d’emménager dans l’immeuble avec son père. Pour Chantin se posent très vite les multiples questions de séduction : quelle approche ? Quel comportement ? Quels discours ? Le lecteur pressent un terrain très glissant et s’attend au pire. Cela tombe bien, Chantin aussi. Il dit ses émotions et ses sentiments avec une honnêteté et une naïveté confondantes ce qui rend le personnage très sympathique, attachant et provoque l’empathie du lecteur. Mais cette rencontre est beaucoup plus importante qu’elle n’y paraît et changera profondément Chantin qui, par ricochet, provoquera des mini-révolutions au sein de sa famille.
Dès son premier rendez-vous, il se rend bien compte qu’il caracole au sommet de l’ignorance. Janet, elle, apparaît comme une fille cultivée (elle écoute Ravi Shankar, Hendrix, Pink Floyd et Joplin, boit du thé indien, sait qui est le Che…), moderne (elle appelle son père par son prénom, a déjà eu plusieurs flirts du moins le dit-elle), a un caractère bien trempé (elle va voir des films interdits aux moins de dix-huit ans avec la bénédiction de son père, ment effrontément). Chantin observe ce monde de happy few, frémissement de la libéralisation des mœurs à venir, pressentie par la chanson de Serge Gainsbourg « 69, année érotique ». Un monde auquel le jeune adolescent se laissera initier avec délice tout en apprenant vite. Il y fait ses propres expériences, se forge des avis sur les personnes (dont ses parents), fait des projets, relève des défis. S’il réussit à se faire payer un voyage à Londres pour y rejoindre Janet, décidément, le chapitre « filles » lui résiste obstinément.
Loin du cocon familial, il apparaît cependant moins fragile, délivré de ses entraves. Tandis que Janet le manipule et que son amie Shirley le séduit ouvertement, il tente de tirer parti de la situation : « You have to choose, me dit Shirley (…)/ Elle ou moi, continua Janet. J’étais assis sur le lit, et elles étaient plantées devant moi, bras croisés./ Mais on est en 68 ! m’indignais-je. Presque en 69./ So what ? me dit Shirley (…)/ Ben euh… maintenant euh… on peut avoir plusieurs partenaires ».
Chantin exprime enfin ses désirs. L’amour, il n’y comprend rien mais c’est tellement délicieux.
Dans son roman, Gérard Goldman oppose la complexité des personnages et la complexité des situations à la modestie du texte. Sa linéarité et sa simplicité syntaxique créent un effet de légèreté indispensable au récit permettant des approches distanciées. L’adolescence apparaît ainsi comme un âge fécond et, pour reprendre Marcel Proust (À l’ombre des jeunes filles en fleurs), « le seul temps où l’on ait appris quelque chose. »

Cœur d’artichaut
Gérard Goldman
L’École des loisirs,
« Médium »
148 pages, 9,20
(en mars en librairie)

L’éducation sentimentale Par Malika Person
Le Matricule des Anges n°70 , février 2006.
LMDA papier n°70
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