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Domaine français La méthode Nina

février 2006 | Le Matricule des Anges n°70 | par Thierry Guichard

Michel Surya invente un roman où la pensée tient lieu d’événement. Il assigne à la littérature un rôle que plus personne n’est en mesure de lui accorder. Étourdissant.

L' Éternel retour

Les amateurs de chemins tracés droit, de lecture balisée auront quelque mal à pénétrer dans le nouveau roman de Michel Surya. Évoquant une conversation (une disputatio) qu’il eut avec son ami Dagerman, le narrateur nous conduit dès l’ouverture du livre à l’extrême pointe de la pensée « parce que je veux croire que penser ne compte pas moins, pour celui qui pense, que croire pour celui qui croit. » Pris immédiatement dans une langue dont la précision d’orfèvre ne repose pas sur sa simplicité, le lecteur a alors trois options : refermer le livre, le suivre comme un noyé suit le courant, l’accompagner en tentant de ne jamais perdre pied. Fermer le livre, ce serait refuser cet acte de penser par lequel chacun peut espérer s’élever au-dessus de la condition qu’on lui laisse. Suivre le courant comme un noyé n’est pas sans charme : la langue est belle, dans ses méandres, ses doubles négations, sa logique. Il y a du Bach dans cette manière d’avancer les propositions, les reprendre, les réfuter, les prolonger. Tenter d’accompagner le récit sans perdre pied impose un défi de taille : bien qu’interrogeant la figure de Nietzsche, il n’est pas tant nécessaire d’avoir dans la matière les connaissances des philosophes. « Roman de pensée » selon son auteur, L’Éternel Retour, plutôt qu’un savoir universitaire, réclame de son lecteur une forme d’abandon. Un abandon au texte, un abandon des défenses qu’on est tenté d’ériger pour ne pas s’en laisser pénétrer. Michel Surya fait le pari qu’une pensée peut autant changer l’existence qu’un événement : idée à laquelle il ne serait pas vain de penser que s’est rallié Nietzsche. Idée qui donne ici au roman une fonction proprement hallucinante.
Le narrateur est donc venu trouver son ami Dagerman (on pense au romancier suédois ressuscité) pour dialoguer avec lui de Nietzsche. Cette discussion, qui nous est rapportée avec parenthèses et crochets pour les commentaires et les apartés, enchaîne des phrases axiomatiques qu’on voudrait toutes citer. La forme esthétique de ces propositions, en effet, réalise en même temps qu’elle le porte, le sens de ce qui est dit. Puisque « c’est dans la déception que naît chacun dès l’instant qu’il naît » (Dagerman), le narrateur et Dagerman vont tourner autour de la possibilité de la consolation qui serait, selon l’un, et ne pourrait être, selon l’autre, annoncée par la théorie de l’éternel retour émise par Nietzsche. Autrement dit : se disputant l’un l’autre à propos du sens à donner à l’expérience nietzschéenne, c’est la possibilité de sauver les hommes, les bêtes et les choses qui est en jeu. Sauver la création, donc, « c’est ce qu’il faut que fasse la littérature, si Dieu ne le fait plus. C’est ce qu’il faut que la littérature fasse ; il faut que la littérature sauve tout et tous, c’est-à-dire, il faut qu’elle relève » (le narrateur). Le roman pourrait donc plus que la religion qui a échoué, que la philosophie qui ne le cesse ? Ce désir de roman, nous dit le narrateur, lui échut afin de « créer des personnages. (…) pour pouvoir créer tout un peuple après qu’on eut tenté d’en détruire un tout entier. » Ce désir du roman, le narrateur l’eut après la mort d’Édouard Adler écrivain rescapé de la Shoah. Adler est l’homme auprès duquel se rend le narrateur de Défiguration (Fourbis, 1995), troisième roman de Surya, réédité aujourd’hui (Léo Scheer, 170 pages, 17 ). Onze ans après, L’Éternel Retour émet donc cette hypothèse à laquelle le narrateur lui-même ne peut pas croire : la littérature aurait pour destinée de réaliser le retour de ce qui a disparu. Le narrateur voudrait y croire pour continuer à vivre. Dagerman n’y croit pas, mais il vit, avec Nina, quelque chose qui s’appelle l’amour.

Thierry Guichard

L’Éternel Retour
Michel Surya
Lignes & Manifestes, 153 pages, 16

La méthode Nina Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°70 , février 2006.
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