Charlotte s’ennuie, s’ennuie au point d’en être dépressive, peut-être, à moins que cela ne soit l’inverse : une lassitude générale venue d’un dégoût de tout. Charlotte est enceinte, mais elle ne veut pas, d’ailleurs elle est mère déjà et n’aime pas ses enfants. Son mari n’échappe pas à son désamour, ni sa maison, ni la région où sa maison se tient, région pleine de soleil et de cigales, car Charlotte n’aime guère le chant des cigales, ni la chaleur. Charlotte écrit. Des livres. Sauf là. Elle ne peut plus écrire. L’écriture ne vient pas. Comme s’il n’y avait plus rien à dire. Charlotte ne ressent plus rien non plus pour sa meilleure amie d’enfance. Jeanne. Jeanne est la maîtresse de Jacques, le mari de Charlotte, depuis des années. Ce que Charlotte observe avec un détachement irréel et quelques fois des pulsions masturbatoires intempestives. Charlotte boit du brandy, trop. Bref, la vie de Charlotte est un encéphalogramme plat. Et ce premier roman se résume à cela, le talent de Sophie Lasserre à rendre l’ennui palpable. Aucune phrase plus haute que l’autre, même lors des dérapages éthyliques de Charlotte ; l’auteur définit une équanimité de style, l’aune du récit : une égalité dans la constatation de tout, comme si chaque moment de la vie avait une égale valeur, une valeur terne. Les mots ne sont ni savants ni les tournures alambiquées et on est surpris, au milieu de tout ce polissage, de croiser l’évocation de Duras ou de Purcell. C’est la réussite de cet exercice de style, la maîtrise d’un bout à l’autre d’une atmosphère où le contraste le plus violent s’approche du monochrome : peu de chose narrée en somme, mais avec un parfait contrôle.
Août de Sophie Lasserre
L’Arpenteur, 88 pages, 9 €
Domaine français Histoire de rien
mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73
| par
Philippe Castells
Un livre
Histoire de rien
Par
Philippe Castells
Le Matricule des Anges n°73
, mai 2006.