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Domaine français D’or et de ténèbres

octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77 | par Richard Blin

Un récit et un roman de Richard Millet, pour explorer la face cachée de la douleur d’être et de la mort amoureuse.

L’amour dans son immensité comme dans son insignifiance, Richard Millet le porte à son point d’ivresse et de saturation, dans deux livres mettant en scène des êtres capables de tout « dans la gloire ou dans le renoncement ». Dans L’Art du bref, d’abord, qui évoque la vie d’un photographe ambulant, Antoine Coudert, qui a photographié les gens et le mode de vie du haut Limousin. L’histoire d’un fils de personne, affligé d’un pied-bot, et qui n’eut d’autre obsession que celle de devenir photographe et de se marier. Une vie d’attente, à rêver du cliché merveilleux qui lui donnerait la gloire, une gloire suffisante pour lui apporter une femme. Mais c’est en vain qu’il tentera de posséder « ce qui se dérobe infiniment et qu’il ne savait pas être une possible définition de l’art », pratiquant l’art du bref « l’opération qui a lieu dans la chambre obscure ne prenant pas plus de temps que celle qui se passe dans d’autres chambres et dans le ventre des femmes » jusque dans sa vie puisqu’il avalera du révélateur pour mettre un terme à ses illusions
Cette façon de n’être pas tout à fait au monde, on la retrouve dans Dévorations, une histoire se déroulant dans les mêmes lieux, « à l’aube d’un millénaire où tout est appelé à disparaître ». C’est le récit oralisé, l’envoûtante remémoration d’un amour impossible entre une serveuse de restaurant et un écrivain revenu de tout, qui a choisi de redevenir « maître d’école ». C’est elle qui raconte, elle qui ne connaît rien aux stratégies amoureuses, qui ne s’est même jamais montrée nue à personne. Et voici qu’arrive cet homme autour duquel sa vie va se mettre à tourner follement. Mais comment être quelqu’un aux yeux d’un autre quand on sait n’être rien, et n’y rien pouvoir ? Comment vivre quelque chose avec un homme, « habitué à n’être rien », un écrivain n’étant qu’ « une sorte de revenant » ?
C’est cet impossible qu’évoque Dévorations, en retraçant cette quête insensée d’un bonheur qui, « fût-il un mirage ou une destruction mutuellement consentie, n’en reste pas moins ce qui nous empêche de sombrer dans la folie ». Une âme simple nous ouvre donc la porte de son théâtre intime, de son être sur le qui-vive, de son désenchantement fait de solitude et de haine de soi. Une vie hantée par la douleur d’être, la conscience de l’échec, le manque, toutes choses lui collant à la peau comme l’odeur de la côte de porc. Construisant sur le sable des songes, elle passe à côté de la vie, écartelée entre la honte de ses désirs d’abaissement, et le désir de triompher à tout prix. Quant à lui, qui a accepté ce poste uniquement pour « pouvoir casser du bois et l’empiler, une activité qui était, avec la marche et le maniement de la faux, la seule chose qui lui permît d’apaiser les prurits d’écriture et la nostalgie de mondes disparus son enfance et sa vie d’écrivain », c’est un renonçant décidé à se contenter du silence des bois, et des souvenirs. Un retour à la solitude que viendra cependant remettre en question l’irruption de la beauté sous les traits d’une jeune Turque. Mais, entre lui, qui avait toujours rêvé d’un amour semblable à celui de Catherine et de Heathcliff, dans Les Hauts de Hurlevent, et elle, l’innocente destinée à demeurer « témoin des amours d’autrui, à vivre en songe ce que les autres éprouvent dans leur chair et leur sang », comme le narrateur du Grand Meaulnes, toute rencontre était impossible. Reste l’orchestration de cette violence amoureuse où convergent la puissance, la beauté et la mort. Reste la présence du corps dans une voix épousant les moindres sinuosités du souvenir ou du désir, s’enfonçant, homogène et ondoyante, sous les ombres et les reflets. Une voix coulant comme du miel noir, et toujours prête à nous faire frémir de l’âme à l’ongle. Une voix déployant l’entier de la langue, en onze chapitres d’une seule coulée, et modulant l’or et les ténèbres du vivre comme l’inépuisable profondeur des destinées.

Richard Millet
Dévorations
Gallimard
224 pages, 16,50
L’Art du bref
(avec des dessins de Philippe Ségéral)
Le Promeneur
120 pages, 14,50

D’or et de ténèbres Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°77 , octobre 2006.
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