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Poésie Poète de la vie

octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77 | par Richard Blin

C’est l’événement inouï de vivre, que célèbre Issa. En un ensemble de haïkus, beaux comme l’ombre d’une âme sur la neige du temps.

Mon année de printemps

Considéré avec Bashô et Buson comme l’un des trois grands maîtres du haïku, Kobayashi Issa (qui signifie tasse de thé), est né en 1763, dans un pays de neige entouré de montagnes. Après une enfance malheureuse (orphelin de mère dès 3 ans, il fut bientôt confronté à une marâtre jalouse qui lui donnera un demi-frère et l’enverra très vite travailler aux champs), il quitte rapidement son village natal pour rejoindre Edo (Tokyo). Il a 15 ans. Dix ans s’écoulent, sur lesquels nous n’avons aucun renseignement, avant que n’apparaissent ses premiers haïkus et que ne débute une vie d’errance. Il écrit des Journaux et des Carnets où la prose se mêle aux vers. Ora ga haru (Mon année de printemps) est le journal qu’il a laissé de l’année 1819. Vie et poésie s’y mêlent indissociablement. Issa a plus de 50 ans. Il sait la beauté du monde, ses mirages, sa violence, ce qui rend particulièrement ironique le titre choisi. Ce que Issa appelle « son printemps » (au Japon, c’est le moment où l’on célèbre la nouvelle année), c’est sa découverte de la sérénité, de ce détachement qui lui permet de ne pas se perdre dans les aliénations multiples de la passion, des conflits, des ambitions, et d’être ainsi ouvert à ce qui est, tout simplement.
Mon année de printemps est un récit intimiste où se dit l’expérience tour à tour tendre, cruelle ou émerveillée du monde. « Légers flocons de neige/ quelle merveille/ au clair de lune ». Au temps qui emporte et annule, Issa oppose la sensation et le sentiment d’appartenir à une totalité sensible. En trois petits vers (5-7-5 syllabes), chaque haïku condense la saveur et l’essence d’instants où la chose vue ou éprouvée, soudain, coïncide avec l’intime. « Ils comprennent que je suis vieux/ ces moustiques/ qui susurrent à mes oreilles ». Très subtil séisme, sourire à l’existence, qui, pour prendre toute leur résonance, doivent être insérés dans leur contexte notation de voyage, lieu, état d’esprit ou état d’âme du jour… Ainsi Issa note « Ce que j’ai dans le cœur », avant de nous livrer le haïku suivant : « Dans mon village/ jusqu’aux mouches/ qui me harcelaient ». Tout en ellipse et en suggestion, l’art du haïku : de la coagulation d’être dans un peu de vide. Art qui est la manière choisie par Issa pour rester vivant, c’est-à-dire désirant, face à la grande impermanence des choses. Façon de jouir de la vie à travers la conscience de son infinie fragilité, ce que résume à merveille l’un de ses haïkus les plus connus. « Nous sommes au monde/ et nous marchons sur l’enfer/ regardant les fleurs ». Tout l’étonne : le vol d’une libellule, le cheminement des fourmis, une éclipse de lune, l’hypocrisie de certains croyants, l’enchantement qu’il éprouve à être père. « Un enfant trésor/ rit aux éclats/ autour du feu de bois ». Hélas, marié très tardivement, il verra ses trois enfants, ainsi que leur mère, mourir, avant de contracter deux nouveaux mariages et de disparaître, en 1827, laissant sa dernière femme enceinte.
Lire Issa, c’est traverser les saisons d’une âme, découvrir la richesse du presque rien qui devient tout. C’est recevoir le monde dans sa nudité, son immédiateté, son impassibilité aussi. Du circonstanciel dans sa plénitude, mais un circonstanciel au cœur duquel une sagesse se tient en équilibre. « Saut d’un grillon/ dans la poussière/ d’un tamis à riz ». C’est l’algèbre élémentaire des signes du monde, la manifestation de ce mélange de don, de désir et de deuil dont est tramée notre éphémère présence au monde, que recueille Issa. Car il ne connaît que trop la loi du temps qui traite le vivant comme le soleil traite la rosée. « Ce monde de rosée/ est un monde de rosée/ et pourtant pourtant… », note-t-il à la mort de sa fille. Admirable leçon de relativité, qui s’ajoute au plaisir pris à cheminer aux côtés d’un poète amoureux de la vie en son essentielle simplicité.

Mon année
de printemps

Kobayashi Issa
Traduit du japonais, présenté et annoté par Brigitte Allioux
Éds Cécile Defaut
(15, rue de la Barillerie 44000 Nantes)
160 pages, 14

Poète de la vie Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°77 , octobre 2006.
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