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Domaine français Les moyens du bord

janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79 | par Benoît Legemble

Jean-Pierre H. Tétart profite du prisme amplificateur de l’île pour saisir le quotidien de personnages d’autant plus attachants qu’ils n’ont pas l’étoffe des héros.

La Patience des rochers

Ancien collaborateur de la NRF, Jean-Pierre H. Tétart s’essaye à tous les supports, jouant le jeu de la rencontre avec des photographes comme celui de l’adaptation au théâtre. Ainsi a-t-on joué son Malpaire ou la mémoire impossible dans la partie « Off » du Festival d’Avignon en 1999. Également auteur de nouvelles avec L’Eden et les cendres et La Renverse, il fut à d’autres moments dialoguiste pour le cinéma expérience dont il a retiré un certain don de la langue que l’on retrouve dans son nouvel opus, La Patience des rochers. Car son écriture se veut à l’image des personnages qu’il met en scène, c’est-à-dire d’une simplicité remarquable. Elle fait vrai, refuse les mots trop sophistiqués sans pour autant faire passer les protagonistes, Serge, Florence ou Zoé, pour des niais.
L’histoire se passe sur une île au large de Granville. Un endroit balayé par les vents et les flots. Une île aussi sauvage que ses habitants, tous pleins de blessures secrètes mais qui veulent jouer les durs au mal. À l’image de Serge. Lui, il a perdu sa femme il y a des années, et ne s’autorise plus aucun plaisir depuis. Les avances de Florence ne trouvent aucun écho, même s’il sait comme elle que la solitude pesante de la vie sur l’île serait plus supportable à deux. Une valse faite d’hésitations et de malentendus qu’ils pratiquent depuis des années et qui rythme désormais leur quotidien. De même que les bagarres entre Serge et Gus, meilleurs ennemis du monde qui passent leur temps à se chamailler devant Zoé, la propriétaire du seul hôtel de l’île. Tétart nous dépeint ainsi un microcosme de fortune que des hommes se sont édifiés eux-mêmes par peur du monde environnant, angoissés qu’ils sont d’aller vers l’inconnu. D’aller vers l’autre. C’est que « cela avait été commode de mener cette vie végétative, ordonnée par les marées, tributaire du temps qu’il fait, de bonaces en tempêtes ». Et que reste-t-il de cette « cadence d’éternité confuse » qui les poussent tous, tels de « lourds voiliers prisonniers des grands calmes, avec les équipages fantômes fuyant le désespoir dans le sommeil » ? Serge lui-même éprouve de plus en plus de mal à se rappeler ce qu’il s’est passé au cours des dernières années, lorsqu’il contemple la mer autour, ce qu’il appelle image qu’Ingeborg Bachmann n’aurait pas reniée « le pays de personne ».
Pourtant, plutôt que de donner à s’apitoyer sur leur sort, La Patience des rochers donne aussi à rire avec ses personnages pittoresques, tels Gus ivrogne congénital et bagarreur qui cherche toujours les conflits sans jamais réussir à remporter une rixe. Il y a aussi l’archer zen, de passage sur l’île pour un temps indéterminé, et dont la principale spécialité est de savoir mimer le tir à l’arc sans avoir besoin de décocher véritablement une flèche. Jouant sur les imbroglios amoureux, le récit multiplie dès lors les équations possibles. Si Cupidon est traditionnellement doté d’un arc, l’archer lui multiplie les conquêtes sur l’île. Après avoir séduit Florence (ce qui provoquera le courroux de Serge), il contera fleurette à la jeune Marie, même pas majeure. Tout le comique se fonde sur le don juanisme de celui qu’on attendait comme capable de rapprocher les amants. Quant au prêtre-boxeur venu célébrer l’office de Noël sur l’île, il est fidèle à la tradition farcesque, et d’autant plus drôle qu’il est aviné.
C’est certainement en cela que réside la patte de Jean-Pierre H.Tétart : il peint les gens de tous les jours et de nulle part avec une poésie remarquable avant de mettre lui-même sur le gâteau une mouche à la place de la cerise. Déconcertant et tellement jouissif.

La Patience
des rochers

Jean-Pierre
H. Tétart
Éditions Cénomane
155 pages, 16,50

Les moyens du bord Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°79 , janvier 2007.