Claude Bourgeyx propose une nouvelle version de son roman Le Chef-d’œuvre, initialement publié chez Arléa en 1993.
Une réédition retravaillée dont les remaniements touchent jusqu’au titre du livre. Heureux qui comme moi met en effet ironiquement l’accent sur le narrateur, héros de ce drame familial. La quarantaine bien sonnée, celui-ci vit toujours chez ses parents : deux vieux qui traînent avec eux « l’odeur du pourrissement. Déjà par bouffées, une odeur de cadavre ». Incapable de les quitter, mais en colère de devoir les supporter, il se réfugie dans son art, la fabrication de cages de toutes sortes, habiles montages de matériaux récupérés. Un but en tête, la fabrication du chef-d’œuvre : une cage qui « définit un espace infini de liberté », « l’envie de s’y engouffrer devra être plus forte que tout ». Névrosé, cruel, sadique et masochiste, ce fiston qui ne peut ou ne veut voler de ses propres ailes multiplie les actes agressifs et envoie des signaux d’alarme : vie prostrée, échecs sentimentaux en enfilade, lettres anonymes à ses parents. La rencontre de Blanche, une femme attentionnée, lui fait croire que le bonheur est à sa porte. Si le narrateur se refuse à toute interprétation psychologique sur son parcours singulier (« Dire les choses comme elles sont, ne pas aller chercher dessous »), son histoire parle pour lui. Claude Bourgeyx la fait débuter comme un drame social et la termine comme un thriller qui fait froid dans le dos. L’aveuglement du personnage sur sa souffrance, sa haine et son attirance simultanées pour le cocon familial et sa crainte maladive de ressembler à son père en font plus une victime qu’un être sans morale. Et victime il restera.
Heureux qui comme moi de Claude Bourgeyx
Le Castor astral, 154 pages, 13 €
Domaine français Dans la cage
janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79
| par
Franck Mannoni
Un livre
Dans la cage
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°79
, janvier 2007.