La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Histoire littéraire Monsieur Jacques

janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79 | par Didier Garcia

Couturier de la Belle Époque, collectionneur et mécène des surréalistes, Jacques Doucet reste une énigme vivante… et posthume.

C’était Jacques Doucet

Pendant toute sa vie (1853-1929), Jacques Doucet aura cultivé l’incohérence, non sans un certain panache, mais parfois avec une maladresse qui surprend chez un homme de culture.
Difficile par exemple de comprendre qu’il ait été à la fois le mécène de Max Jacob, Breton, Aragon, Cendrars, Desnos, Reverdy, qu’il ait soutenu tant d’œuvres naissantes, ait mis si souvent sa fortune personnelle à contribution pour aider tel ou tel écrivain, tel ou tel peintre, et qu’au final il ait eu si peu de témoignages de reconnaissance. Pire encore : on le raillait. Dans les lettres on lui donnait du « Monsieur Jacques », du « cher magicien », mais dans son dos on s’amusait de ses faiblesses, de ses largesses, de son envie insatiable de savoir ce qui se faisait sans doute aussi s’énervait-on de devoir sans cesse compléter le même état des lieux, et d’avoir à reprendre plusieurs fois sa copie.
On s’étonne de le voir diriger d’une main de maître une maison de haute couture, compter pour clientes Sarah Bernhardt, Réjane, la Belle Otéro, être tenu aujourd’hui pour le dernier grand nom de l’ère de l’ornement, et l’entendre avouer ne pas se sentir couturier, au point de consacrer sa vie, sa fortune, à des causes étrangères à la mode.
On imagine sans peine la consternation de ses conseillers quand, après l’avoir vu collectionner les Watteau, les Fragonard, les La Tour, jusqu’à ce que sa collection fût tenue pour le plus important ensemble d’œuvres d’art du XVIIIe siècle et installée dans cet hôtel particulier qu’il avait fait construire uniquement pour elle, ils le virent mettre le tout à la vente, manifestement sans l’ombre d’un regret…
On se demande quelle sensibilité était la sienne pour pouvoir passer du XVIIIe à la création d’une bibliothèque d’art et d’archéologie, première en son genre, et pourtant « réputée la plus riche du monde en matière de recensions commerciales », pour ensuite se lancer dans un nouveau projet, en l’occurrence ce qui deviendrait la célèbre Bibliothèque Jacques Doucet (aujourd’hui sise au rez-de-chaussée de la Bibliothèque Sainte-Geneviève). On voit mal comment il a pu s’intéresser au symbolisme, acquérir, sur les conseils du poète André Suarès, son premier factotum, des pièces aussi prestigieuses que la lettre de Baudelaire à Wagner, ou que les épreuves de Romances sans paroles de Verlaine, avec la dédicace primitive à Rimbaud, puis s’intéresser au surréalisme, se laisser séduire par un Picabia, par un Duchamp, puis se passionner pour le cinéma, créer la première cinémathèque et s’entourer alors de conseillers aussi farfelus que Cendrars, qui n’hésita pas à suggérer au maître de réunir les critiques cinématographiques du monde entier…
Comment avoir pu posséder des collections d’une telle ampleur et n’avoir jamais voulu occuper le devant de la scène ? Comment avoir pu côtoyer tant de culture et s’être montré si maladroit dans ses propres missives, où la syntaxe rappelle celle d’un mauvais collégien ? Comment, enfin, avoir pu acquérir de telles lettres de noblesse dans le monde de la culture et n’avoir soi-même rien laissé à la postérité ?
Car c’est bien ce à quoi François Chapon s’est attaqué : une énigme. Comble de malchance pour le biographe : l’homme était secret ; il n’a laissé ni archives, ni journal, ni mémoires. Ce que Chapon donne donc à lire, c’est le résultat de son enquête, un recueil d’informations collectées dans les différents témoignages qu’il a consultés (un savoir de seconde main, puisé dans des documents dont il lui a fallu se méfier, dans lesquels il a tenté de démêler le vrai du faux, traqué la confidence sincère du propos fielleux). Même si elle traîne parfois en longueur (la situation sur l’enseignement de l’histoire de l’art par exemple), cette biographie a le double mérite de ne pas tomber dans l’hagiographie et de ne pas expliquer l’inexplicable. On y trouve donc Jacques Doucet au milieu de ses contradictions.

C’était
Jacques Doucet

François
Chapon
Fayard
550 pages, 25

Monsieur Jacques Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°79 , janvier 2007.
LMDA PDF n°79
4,00