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Domaine français Génie du lieu

février 2007 | Le Matricule des Anges n°80 | par Benoît Legemble

Un homme fuit vers l’Est. Dans sa quête d’un ailleurs, il croisera le mystère et la passion. Mais avec Robert Alexis, le voyage revient toujours à Steinbach épicentre autrichien d’une aventure hors du temps.

On ne sait pas grand-chose de l’écrivain, dont le parcours est marqué par des études de philosophie. Un an après la parution de La Robe, Robert Alexis revient donc avec un nouvel opus aussi sibyllin que son auteur. Attaché à préserver bec et ongles un jardin secret peu compatible avec les rouages du système médiatique, Alexis montre qu’il est possible de se situer hors du temps. Cet anachronisme, on le retrouve en germe chez le héros de La Véranda, un personnage qui avoisine la cinquantaine et nous emporte avec lui dans son odyssée à travers la Mitteleuropa du début du XXe siècle. Aucune date précise pourtant n’accompagne le récit de ses pérégrinations. Tout juste arrive-t-on à deviner par le truchement du détail, qui seul fait sens ici. Lorsque notre globe-trotter confesse son inclinaison particulière à la lecture d’Hoffmannsthal, le lecteur s’approche au plus près d’une époque révolue où Vienne était encore la quintessence de la modernité intellectuelle et les voyages en train relevaient de l’expédition luxueuse des passagers de l’Orient Express.
Le décor est planté. L’incipit s’impose par la rondeur de la plume et l’acuité d’un regard sur le monde qui ne passe rien sous silence. Une poésie des petits rien dont on fait les plus belles odes : « La neige. Un paysage sous la neige. Et cette buée sur la vitre parce que, pendant un moment, j’ai posé le front sur un rectangle froid. Ce petit pont qui enjambe un ruisseau, j’ai dû le traverser, celui-là où un autre, beaucoup d’autres, à longueur d’une vie qui arrive maintenant à sa fin » Tout est là, depuis la description du rectangle de buée jusqu’aux cabines d’antan qui succéderont, avec à chaque fois la nostalgie d’un faste qui s’infléchit à mesure que sonne le glas de l’empire austro-hongrois. La justesse des termes est simplement remarquable, au point que l’on se demande parfois si l’œuvre ne risque pas de sombrer dans un pur exercice de style. Pourtant, Alexis n’est pas Zola. Il n’a pas cette froideur toute journalistique et sait donner une âme à chaque passante, à chaque femme croisée dans un hall de gare et que le voyageur côtoie l’espace d’un instant avant de se perdre dans l’immensité d’une ville ouverte : « Combien toutes ces images disent la disparition ! Une femme qui part, quels qu’aient été ses rapports avec nous, ce dos tourné, cette silhouette fragile et fascinante allant chiffonner d’étranges espaces où nous ne serons plus, rappellent toujours la première déréliction » Comment ne pas penser au poème d’Antoine Pol mis en musique par Brassens ? Rigoureuse, presque chirurgicale, l’écriture d’Alexis ne doit cependant pas éclipser la poésie intérieure insufflée en chaque chose. Quant au héros, il poursuit son voyage perpétuel par l’Autriche terre d’eau comme il en existe peu, semée de lacs sur lesquels il sonde le paysage et étend sa quête de l’infiniment petit perdu dans l’immensité. C’est là qu’il connaîtra l’extase, tombera en admiration devant cette véranda dont il ne sait rien. Une maison au bord de l’eau, cachée par les bosquets. Menant son enquête pour accéder à la masure convoitée, il découvre qu’un halo de mystère entoure l’endroit qui semble abandonné. Le cocher ne fait rien pour le rassurer, pas plus que les habitants de Steinbach, près de Linz. Si le récit lorgne alors vers le conte fantastique (on pense à Hoffmann ou Gautier), c’est que l’endroit se charge d’une énergie magnétique. Bien qu’attiré par l’endroit, notre aventurier est aussi vidé par lui. Mais il faut qu’il sache. Il ira ainsi à la rencontre de son propriétaire, une comtesse demeurant à Salzbourg. Le lecteur pénètre alors dans des zones non balisées. Il est temps d’affronter la vérité sur l’histoire de la véranda, et avec elle le Genius loci c’est-à-dire le génie du lieu. Y a-t-il une explication rationnelle à cette attraction, ou est-elle fondée sur ce « terreau des siècles » dont parle le narrateur ? Pourquoi tant de mystère ? Qu’en est-il de cet enclin soudain éprouvé pour la comtesse, Alicia ? Pourquoi les fantasmagories suscitées par la Véranda ne se calment-elles pas ?
Autant de questions auquel le personnage cherchera à répondre, avant de reprendre la route vers l’Orient. La Turquie surtout, où un ami l’attend. Une plongée dans les ténèbres, une succession de nuits folles passées dans les hôtels de passe d’Istanbul, comme pour dire que le bonheur n’est jamais figé. Un mouvement perpétuel et un mélange doux-amer ; un goût saumâtre après le velours du miel, qu’Alexis fait succéder dans une trajectoire allant du rêve au cauchemar. Et si la vie n’était qu’un songe ? Il serait une descente aux enfers, un ciel en creux esquissé pour de faux.
Avec La Véranda, Robert Alexis réitère la réussite augurée par La Robe. Un bémol tout de même : trop de description tue la description, ce qui ralentit parfois la narration. Mais cela n’ôte pas le plaisir que ce roman procure, à la croisée des genres, avec en prime, le don de la langue.

La Véranda
Robert Alexis
José Corti
158 pages, 15

Génie du lieu Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°80 , février 2007.
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