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Domaine français L’ordure et la lumière

février 2007 | Le Matricule des Anges n°80 | par Richard Blin

Dans une langue qui palpite, condense et exalte tout à la fois, Lionel Bourg poursuit, avec « L’Engendrement », sa quête autobiographique.

Plonger dans le vif de sa propre vie pour en restituer le la, le ciel intérieur, la lumière intime, c’est ce que fait, dans L’Engendrement, Lionel Bourg. Un livre qui a tout d’une boule de braises qu’il roulerait entre amour et haine, sursauts de grâce et fièvre en haleine, à l’affût de lui-même, dans le vertige de ce qui fut, et sous l’emprise des siens. « J’étais né dans la crasse. Le vacarme des forges. La fumée des centrales thermiques. Mes fantasmagories s’y attachaient. J’en acceptais le cours sans mépris pour leur source ». Une enfance sur fond de drapeaux rouges et de bannières noires, coincée entre la parole minimale du père et ses coups de ceinturon, les pugilats matrimoniaux, le fantôme d’un frère mort noyé et « l’ordure infestant le langage « . »C’était la vie/ j’vais t’dresser, moi / quelque chose de rude, qu’aucune rebuffade, aucune insolence ne conteste ». Heureusement, à deux pas, il y a la montagne, les virées sur le plateau, les arbres, les pierres, la lande, la neige, un espace où hurler son mal-être, où se défaire de toutes les douleurs cachées, où oublier ces moments où l’on a l’impression de n’être qu’une fausse note dans le silence. Ces moments où vivre, mourir, ne tient qu’à un fil, « à des images dans un livre ou des mots auxquels on s’attache, Assur, Ninive, obsidienne, Chandernagor… » Alors on écrit pour essayer de comprendre « pourquoi l’on fut ce môme qui souffrait, qui marchait quelquefois comme un forcené sur une route vicinale », ou se barricadait derrière ses collections de fossiles, de tessons de poterie, ou derrière ses bouquins. De ceux qui n’intéressaient personne. « Récits de voyage entrepris autrefois par des marchands qui se fiaient aux étoiles, phrases dépourvues de logique apparente, hirsutes, calcinées, libelles, proclamations intempestives ou poèmes qu’avec des compagnons de plus en plus douteux nous lisions et bramions sur le plateau que battait la bourrasque ».
C’est cette vie en demande de sens que revisite Lionel Bourg, son arrière-plan de solitude, ses rêveries autour de la chair, quand on s’invente des formes, des femmes à qui l’on donne un nom. « Hermantride… / Je vous aimais sur les marches d’escalier ou dans la haute chambre du château d’Essalois, supposant vos cris et vos aveux, vos tuniques froissées par des chevaliers d’aventure tandis que je lançais des pierres contre la muraille ou contemplais la Loire ». Une quête de quelques points d’assurance, de fardeaux à évacuer, de dons à honorer. Et c’est ainsi un peu du processus d’engendrement qui l’a fait homme et qui l’a fait écrivain qu’il nous donne ici à partager. D’où la place qu’occupe la mère, son obscène tendresse et ses colères tonitruantes, « insultant papa, s’élançant sur ses gosses comme si tant d’amour dépravé, tant de rancœur et d’intolérables appétits, qui lui tordaient la bouche, faute de s’assouvir dans le vocabulaire poisseux qu’elle crachait d’une traite », n’avaient plus que cette façon de s’apaiser. Une mère incarnant le pire « quand on est née putain, on le reste » comme le meilleur, initiant son fils à Faulkner ou à Dostoïevski. « Prends Dosto, par exemple, c’est pas d’la guimauve, on sent que ça remue, qu’ça bouge dans les méninges, y’a d’la passion, du destin, d’la laideur et des gens qui traînent leurs vies comme des chiffons tout déchirés à leurs basques, ça saigne, et puis, t’as qu’à lire, nom de dieu ! t’as qu’à lire ». Une mère qui, avec le temps a perdu la mémoire, et qui à présent vaticine au téléphone, « t’es mon chiotte, Lionel, mon papier-cul, j’te refile toute ma chiasse ». C’est à partir de ces souvenirs, de ces restes douloureux qui fascinent, que Lionel Bourg a engendré une parole singulière, à la fois orale et raffinée, hantée par les toujours mêmes figures familières. Une écriture à l’émotion, à l’urgence, procédant par accélérations incantatoires, spires obsessionnelles, dérive houleuse. Une danse autour du trou de l’origine.

L’Engendrement
Lionel Bourg
Quidam éditeur
96 pages, 10

L’ordure et la lumière Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°80 , février 2007.
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