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Domaine français Un fauteuil sans pieds

mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81 | par Anthony Dufraisse

Le deuxième roman de Sébastien Brebel est aussi étrange, prégnant que prenant. Récit d’un face-à-face, où l’écriture se joue d’elle-même.

Le Fauteuil de Bacon

De quel Bacon s’agit-il ici ? De Francis. Mais lequel, le philosophe ou le peintre ? Il s’agit du peintre, on va voir pourquoi. Le fauteuil dont il est ici question n’est guère plus qu’un fauteuil à accoudoirs. Celui qui l’occupe, en revanche, lui est un peu spécial ; étrange personnage que ce dénommé Sauvage, et du reste bien nommé. L’homme vit en effet reclus chez lui, retranché au milieu des livres s’écroulant, « semblant ne faire qu’un avec son fauteuil ». « Hiératique et figé » sur son siège, il fait penser à ce pape, Innocent X, que Francis Bacon avait représenté, souvenez-vous, cloué au fond de sa chaise pontificale. Entre les deux il y a une ressemblance indubitable quoiqu’elle demeure inexplicable pour le narrateur, voisin du dessus : « Qu’y avait-il de commun entre la silhouette imposante et débonnaire de Sauvage, dont la chair semble prisonnière du fauteuil qu’il ne quittait jamais (sous aucun prétexte) (plus exactement : dont je ne l’avais jamais vu s’extraire) et celle du pape à l’agonie qui était maigre et voûté, recroquevillé sur sa chaise pontificale ? (…) Je finis par conclure que l’association qui s’était faite en mon esprit tenait du miracle ». Ce Sauvage, dans sa manière d’être, en impose : il a quelque chose de massif, de granitique. Chaque jour, le narrateur descend de sa chambre et s’entretient en « colloques interminables » avec ce locataire de plus en plus valétudinaire. De leurs vies respectives ils se parlent, et s’installe, nuit après nuit, une troublante complicité. Si Sauvage est étrange, le narrateur ne l’est pas moins. L’un comme l’autre paraissent obsédés ; le premier par les maladies orphelines qu’il étudie, l’autre par son « état maladif », vague solipsisme mélancolique. Chacun à sa façon est malade. Sauvage l’est comme on le dit trivialement des êtres qui semblent un peu hors normes. Quant au narrateur, il semble mentalement instable, tourmenté par une idée fixe : recommencer sa vie. Seulement voilà, il est tenaillé par le souvenir de Cathie, son dernier amour croit-on comprendre. Il voudrait exister autrement, mais en lui persiste donc quelque chose de l’ancienne personne qu’il est, bref son passé ne passe pas. À ne pouvoir oublier cette Cathie, cette « vie nouvelle » appelée de ses vœux se refuse à lui, il ne peut tourner la page définitivement. Ce qui nous fait tourner la page, nous lecteur, c’est l’ambiance, mélange de suspicion et de suspens, on ne sait trop comment dire, quelque chose de spongieux. Pesante, cette atmosphère intrigue. Tout ceci, ces rencontres, ces causeries nocturnes, serait-ce le fruit de l’imagination dérangée du narrateur ? Est-ce divagation ? Saura-t-on jamais vraiment… En tout cas, les âmes entrent en commerce obscurément, autour de cette Cathie notamment, de ce qu’elle représente, chimère, fantôme ou fantasme. Le face-à-face finira aussi étrangement qu’il a commencé.
Sébastien Brebel déroule ici, comme déjà dans son premier roman Place Forte (P.O.L, 2002), une phrase toute en reprise et en répétition. Jamais le lecteur ne s’y perd, ce n’est pas une écriture contournée, mais qui se contorsionne sur elle-même. Continûment la phrase est repiquée, recousue, précisée en son cours, et notamment à travers des parenthèses qui tantôt rapiècent la pensée, tantôt l’approfondissent, accentuation ou atténuation du propos c’est selon. Certes secouée, la syntaxe ne trinque cependant pas trop. D’être ainsi tortueuse, on se demande si elle n’est pas la traduction écrite de l’état mental confus du narrateur. Autant qu’on sache, Brebel est, dans la vie, professeur de philosophie et son écriture témoigne à sa manière de cette expérience. N’est-il pas au nombre des tâches du professeur, dans sa quête d’intelligibilité, de moduler, de remodeler, de reformuler son propos à tout instant pour en minimiser l’approximation, pour approcher au plus près d’une juste formulation ? Dès la sortie de Place forte, on a pu dire qu’il y avait du Bernhard en Brebel. Ce livre-ci confirme : un Bernhard à la française, mais plus fragile, mais bien plus fébrile.

Le Fauteuil
de Bacon

Sébastien
Brebel
P.O.L
127 p., 11,90

Un fauteuil sans pieds Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°81 , mars 2007.
LMDA papier n°81
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