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Domaine français Un cri silencieux

septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86 | par Virginie Mailles Viard

Construit comme une tragédie, le récit d’Anne-Constance Vigier nous transporte dans les méandres d’un esprit en mal d’humanité.

Dans ce deuxième ouvrage d’Anne-Constance Vigier réapparaît la figure de son double aperçu dans Le Secret du peintre Ostende, une jeune mathématicienne à la fois personnage principal et narratrice. Voilà deux êtres que tout sépare : elle aime Brassens, il adore Bartók. Elle est une spécialiste reconnue, une surdouée de 23 ans qui crypte et décrypte des messages pour l’armée, il est un piètre musicien. Écartelée entre l’envie d’être comme les autres et le besoin irrépressible de les fuir, elle finit par échouer dans une vie grise et sans espoir. Du fond de sa cellule elle ouvre les pages d’une histoire banale à l’issue tragique.
Dix Phases découpent ce récit rétrospectif, dont le dénouement, divisé en 9 scènes, égrène les derniers moments et les actions des principaux personnages. Ces brefs tableaux tracent le parcours géographique d’une forme d’aliénation sociale : bureau, église, maison… Transposées et distordues, les affinités entre les règles qui codifient le théâtre classique et celles qui structurent le monologue intérieur d’Entre mes mains restent prégnantes. Ici chaque Phase circonscrit une action, un lieu, dans un temps donné. Chiffrées (Phase 1, Phase 2…), elles marquent froidement l’évolution de l’angoisse maladive qui ronge celle qui ne connaît que l’univers secret des algorithmes. L’auteur a conçu chaque étape comme un huis clos. Un espace qui se ferme définitivement avant la Phase suivante. Dans ce monde sans mémoire, comment avancer, comme s’imaginer dans une lignée, s’inscrire soi-même comme un relais ?
Voilà l’héroïne « enveloppée dans une gangue de terreur qui durcissait à l’air et semblait également rétrécir », dont les racines marinent sans aucun doute « dans la petite pièce au fond du couloir et hop, toutes les portes fermées. » Ce traumatisme initial semble avoir créé un être hybride. La narratrice s’est fabriqué un personnage social, soumis à une famille égoïste, « leur regard perplexe et contrarié de toujours », à un époux inexistant, des êtres vides et sans humanité. Le journal nous place au cœur de la lutte permanente qu’elle mène pour que ne rompe pas la digue savamment construite. L’auteur travaille une écriture radiographique à même de rendre une vision clinique qui défait le monde de toute sensualité, « Sa main chaude sur ma nuque. Les os de ses phalanges. » Aux portes de l’église elle ne voit que boue et fientes d’oiseaux. Une auscultation permanente de ce qui l’entoure maintient la distance, écarte croit-elle le danger de la rencontre.
Quand le couple emménage, elle n’a d’yeux que pour ces « petits Noirs qui s’agrippaient aux barreaux en écarquillant les yeux. La peau sèche de leurs mains sur le métal rouillé. » La salle de bains située en lieu et place de la cave, « un puits où se blottir », incarne le rêve impossible du retour in utero. La naissance de l’enfant vécue dans la solitude d’une chambre d’hôpital sonne l’hallali. Au piège psychique qui se resserre inexorablement succède l’enfermement physique dans l’étroit appartement. Anne-Constance Vigier a construit son ouvrage comme on déboîte des poupées russes : une architecture qui se défait, jusqu’à l’infiniment petit. Une structure qui rend encore plus troublante cette écriture intimiste, qui sonde les profondeurs de l’âme, jusqu’à atteindre ces endroits que l’on refuse de voir.
Le processus dramatique du récit et le rétrécissement de l’espace réduisent en un instant les quelques mois qui séparent la Phase 1 de la Phase 10. Dans une langue en roue libre sans prise sur le réel, où se mêlent, indistincts, les événements et les dialogues, le monde se morcelle. La voix intérieure comprime et déforme les sons extérieurs, « sons inhumains, destructeurs », dans son espace déviant échouent les autres voix, noyées dans un magma de chair et de bruits. Une logorrhée à la mécanique étouffante, à la marche destructrice, étau implacable où plus rien ne respire. On ne lâche pas Entre mes mains, et on le porte, une fois fini, comme un fardeau.

Entre
mes mains

Anne-Constance
Vigier
Joëlle Losfeld
102 pages, 11,90

Un cri silencieux Par Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°86 , septembre 2007.
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