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Domaine étranger C’était l’Algérie

septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86 | par Sophie Deltin

Dans un roman autobiographique, c’est tout l’art de vivre d’un monde pourtant si proche de son engloutissement que Louis Gardel ressuscite avec émotion.

La Baie d’Alger

Des écrivains qui racontent l’Algérie de leur enfance et de leur adolescence, du temps où elle était française, ce n’est pourtant pas ce qui manque. Pourquoi alors celui-ci le nouveau roman de l’écrivain et scénariste Louis Gardel, né à Alger en 1939 sonne-t-il si juste ? Comme une fêlure brutale qui entame de façon irréparable le sanctuaire de l’enfance, la scène inaugurale donne le ton : « C’est fini. Je l’ai pensé avec ces mots que j’ai articulés à haute voix, comme le constat d’une chose certaine, jusqu’alors impensable et soudain évidente. C’était un soir, au début de l’année 1955, j’avais quinze ans. » De fait, depuis un an déjà, après l’Indochine, la rumeur de ce que l’on n’appelle encore que « les événements » s’intensifie, dressant chaque jour davantage Arabes et Français les uns contre les autres… Mais que faire de cette prise de conscience dramatique, intelligente et sans illusions, quand on a son adolescence à vivre et le « goût du bonheur » chevillé au corps ? Le narrateur, un « môme » issu d’une famille aisée et instruite de la communauté pied-noire, qui vit avec sa grand-mère Zoé depuis le départ de ses parents pour la métropole, est élève au lycée Bugeaud d’Alger. Il coule des jours paisibles entre les parties de pêche avec Bouarab près du cabanon sur la plage de Surcouf et les distractions propres à la jeunesse dorée algéroise : ainsi de la belle Michelle qu’il tente de séduire au club privé de l’Alger Racing Club… C’est d’ailleurs tout un monde privilégié que le narrateur côtoie, notamment lors des déjeuners qu’organise dans sa somptueuse propriété André Steiger, dit « Dédé », un ami de Zoé qui est aussi le porte-parole des colons à Alger. Un jour il se fait assassiner par les fellaghas. Avec Solal, un juif et son meilleur ami, le narrateur tente de comprendre : comment l’abbé Sintès, l’aumônier tant aimé, a-t-il pu donner refuge « aux gens qui nous tuent » ? Pourquoi leur professeur de lettres a-t-il démissionné, si brusquement ? Trahison ou « défilade », face à l’issue « fatalement tragique » qui couve, surgit la nécessité de « choisir son camp » et la difficulté corrélative qu’il y a à devoir se définir, se situer car « ce qui nous lie, cette fraternité d’êtres nés sous le même soleil, risque de ne pas peser lourd face à l’histoire qui nous sépare » entrevoit celui qui quittera sa terre natale en 1957 pour faire une hypokhâgne à Paris. Longtemps resté coincé entre l’exaspération d’être catalogué et jugé a priori (« je suis, que je le veuille ou non, un acteur, rangé par ma naissance dans le rang des colonialistes », soit pour certains, un raciste, un salaud) et le souci moral de solidarité envers sa communauté d’origine, au moins peut-il compter à l’époque sur la présence déterminante de Marco, un professeur de lettres ami de Sartre et de Beauvoir, qui lui fait découvrir Proust comment l’oublier ?, et dont la mort mystérieuse ne pourra dissiper l’effet de fascination exercé sur lui. D’autres figures s’imposent, mythiques comme celles d’Albert Camus (dont il a pu un jour serrer la main), de Jean Genet, de Jean Sénac ou d’André Malraux, mais aussi plus proches, comme Suzanne, la cousine fort en gueule et en idées « libérales », Bibi, cette créature aux manières si extravagantes, et surtout Zoé, la grand-mère dont les chagrins et la douleur ne démentiront jamais la saine robustesse morale autant que la loyauté à la terre natale…
C’est aussi la beauté sauvage de l’Algérie et la « béatitude » qu’elle procure que Louis Gardel évoque avec bonheur ce genre d’impressions inoubliables pour qui connaît les couleurs de mer mêlées à la lumière vibratile du ciel, les marques sur le corps brûlé de soleil, ou encore la simple odeur des makrouts… Ce n’est pourtant pas de la tristesse qui émane de cette prose, magnifique parce que si sobre et précise à la fois, mais plutôt une sorte de « douceur douloureuse », sourde et continue, « comme si cette émotion était trop vaste pour moi, je veux dire, pour ma seule personne ». Assurément, un livre qui fait battre le cœur.

La Baie d’Alger
Louis Gardel
Seuil
252 pages, 18

C’était l’Algérie Par Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°86 , septembre 2007.
LMDA papier n°86
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