La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Memoria amarilla

septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86 | par Emmanuel Laugier

Livre posthume de Claude Esteban, « La Mort à distance » interroge ce que peut la voix face à sa propre disparition.

La Mort à distance

La Mort à distance est un livre d’inquiétude, de mélancolie et de pacification. Il ne crée pourtant pas de divorce entre ces différents affects, mais questionne leur lieu commun, un « ici, jusqu’au/ soir, jusqu’au tarissement/ des mots sur la langue ». C’est à travers l’écart et le miroir qu’il y aura à entendre entre chaque affection que Claude Esteban inscrit une double balance de voix, celle de la rythmique contenue dans le travail du vers et celle de la prose. On sait, au moins depuis Rimbaud, Baudelaire et Nerval que la poésie s’écrit autant dans le basculement de la coupe du vers que dans le retour chariot de la prose. L’une n’empêchant pas l’invention du rythme de l’autre. La Mort à distance ne montre, bien sûr, pas seulement l’opération de cette conjonction secrète entre travail d’allongement de la prose et celui de condensation du vers, mais d’abord la cohérence d’un monde, d’une sensibilité faisant raccord entre la pression, toujours plus affolée, du réel et cette poche (ou vie) psychique que l’on cherche à alléger de ses propres enfermements, langagiers ou autres. Ce dernier livre témoigne, en somme, de l’accord pensé, et du partage des mots, pour reprendre le titre de l’essai de Claude Esteban sur son « propre bilinguisme », entre le récit narré des vers d’« Une journée déjà vieille » et les sortes de blocs de récits en rêve de la seconde partie du livre (« La Mort à distance »).
L’écriture, toujours retenue, passe quelque chose entre les deux états qu’elle offre, l’un concentré et comme prosé, l’autre longé et serré sur quelques descriptions perceptives : le premier poème, titré simplement « récit » s’amorce d’un « Voilà que je reprends tout/ par le début comme/ s’il me fallait une fois de plus/ traverser le silence/ et c’est d’abord beaucoup/ de bruit dans la tête/ sans doute les restes d’un vieux rêve/ que je ne parviens pas/ de moi et c’est encore/ la menace d’un cri toujours/ plus loin sur la route et les pierres/ tachées de sang » ; quand, presque inversée dans sa digression méditative, l’une des proses de « La Mort à distance » conclut d’un « Et que brouillards, ténèbres, murailles, carapaces prennent le dessus, investissent mon esprit, paralysent mon désir d’écrire simplement la pure luminosité du ciel, et ce n’est que plus tard, quand j’aurai renoncé à ma tâche, que je discernerai, très loin dans mon souvenir, la trace des mots perdus : cristal, fenêtre, arbre, bruyère, bleu, bleu surtout ».
Claude Esteban touche ici, dans sa façon de questionner et d’avancer la tâche de celui qui écrit, un usage de la sobriété que l’on peut reconnaître dans les grands livres d’Yves Bonnefoy ou de Philippe Jaccottet. Il nomme en même temps une fratrie allant de Rilke à Shakespeare en passant par le bleu des ciels peints de Fra Angelico. Il s’avance ainsi, dans la langue du poème, vers une mémoire large, impersonnelle, faite d’un dialogue avec les morts. On entend s’entrecroiser des voix désolées, esseulées, perdues. Elles disent la distance qu’il aurait fallu trouver à la mort pour qu’elle ne soit plus rien qu’un fétu de paille, une pelote de raphia. Tout l’effort de ce livre de grande épure, comme ouvert aux questions que pose la fin de toutes choses, et la souffrance qu’elles peuvent provoquer (cf. Trajet d’une blessure) est celui d’un face à face stoïque : « Et jusqu’au fond, cette houle/ d’insectes noirs// la pourriture qui m’attendait » ou encore ce « souffrir, ne plus/ souffrir, les contraires maintenant/ s’annulent// l’air/ attaque avec ses couteaux. » On y retrouve en partie cette approche littérale que déployait le bouleversant L’Insomnie, journal (Fourbis, 1991), mais La Mort à distance est habité en plus par une vibration lente et à la fois violente, comparable à cet « amarillo » (jaune) qui renvoyait pour Esteban aussi bien à la bouillie de l’enfance qu’à la douceur d’un petit pan de mur éclairé en fin de journée.

* La revue Cahier Critique de Poésie publie un dossier Claude Esteban dans son N°13.

La Mort
à distance

Claude Esteban
Gallimard
212 pages, 20,50

Memoria amarilla Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°86 , septembre 2007.
LMDA papier n°86
6,50 
LMDA PDF n°86
4,00