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Domaine français Vivre, disent-elles

octobre 2007 | Le Matricule des Anges n°87 | par Thierry Guichard

Avec Fin de l’histoire, François Bégaudeau trace les contours d’un nouvel art romanesque. Et désigne la femme comme avenir de l’humanité.

Florence Aubenas est journaliste. On a aimé chercher son nom au bas des articles de Libé. Parce qu’elle écrivait sur des riens, des faits divers et des faits de société. On se souvient qu’elle a monté des marches d’HLM, rencontré des femmes, des hommes et que dans les colonnes de Libé que son nom signait, il y avait une trace humaine de ces gens-là qu’elle avait rencontrés. Florence Aubenas a été retenue en otage pendant cinq mois dans une cave en Irak. Après sa libération, elle a donné une conférence de presse. Près de quarante-cinq minutes. Une mi-temps au football. C’est cette conférence de presse, bien réelle, que François Bégaudeau a décidé de raconter dans son cinquième roman. Minutés au plus juste, les propos de la journaliste sont rapportés ici fidèlement (du moins veut-on le croire, on n’est pas allé vérifier). Et pourtant, pas de doute, Fin de l’histoire est un roman, de la littérature en tout cas.
C’est que François Bégaudeau ajoute aux propos de l’ancienne otage des commentaires, surligne une expression, donne sa traduction en langage direct, il révèle ce que l’humour de la journaliste cache de pudeur, ce que sa façon de dire vient faire au vernis des a priori. C’est là, dans la manière avec laquelle l’écrivain tire le fil d’une expression, la manière avec laquelle il éclaire un mot, une expression, un « gag » que le roman joue son rôle : révéler, approfondir, saisir. Il y a une véritable jouissance du commentaire ici dans la proximité avec laquelle il s’énonce : la distance est abolie, l’écriture, contrairement aux caméras et aux micros, n’éloigne pas la parole de ceux auxquels elle est donnée.
Peut-être trouvera-t-on un maniérisme de façade, par exemple dans l’utilisation des deux points qui font comme des projecteurs braqués d’un coup sur un mot, une expression. « Elle n’avait pas vraiment le choix, et pour tout dire pas grand-chose d’autre à foutre dans sa cave que de s’occuper de survivre. N’importe qui aurait fait pareil. À ceci près, c’est vrai, que certains n’auraient pas tenu (…). S’il faut absolument se plier à l’exercice de naphtaline de l’éloge, alors il ne faut saluer que la quantité de sang irriguant ce lieu qu’on nomme elle. Elle : centrale énergétique, usine à vie (…). Elle : est née. Elle : a grandi. Elle : est sortie avec des garçons (…) ». Mais on se rend vite compte que c’est dans les écarts que cette écriture impose qu’une pensée de l’Histoire, du monde machiste, de l’univers médiatique vient faire son nid. François Bégaudeau surprend quelque peu par la manière avec laquelle il retrouve le chemin d’un féminisme revitalisé. Dès le début du roman (« elle aurait trop l’air d’une femme, de ce que prenant une voix de braguette mystique les hommes appellent une femme ») jusqu’à son terme où il attribue aux seules femmes la capacité de réussir « la seule révolution possible, la permanente, la durable, la discrète, la douce et sûre, la domestique, l’irrépressible ».
Mais, en partant d’un fait réel, en lui accordant une écoute pleine, le romancier prouve combien la littérature, en s’emparant de ce qui est là devant nous, montré et remontré par les médias, peut nous révéler du monde. C’est presque à un art poétique que s’est livré ici l’écrivain. Avec une intelligence fine et joyeuse qui nous offre, en prime, un personnage drôle et émouvant de jeune femme qui se présente « Jean-Pierre » au narrateur lors d’un speed dating narré au détour d’une hilarante digression, qui s’appelle Jeanne en fait et qui à elle seule nous fait croire que Bégaudeau n’a pas tort d’attendre des femmes la seule révolution possible.

Fin de l’histoire
François Bégaudeau
Verticales, 135 pages, 12,50

Vivre, disent-elles Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°87 , octobre 2007.
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