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Poches La vérité se fait attendre

janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89 | par Anthony Dufraisse

Seconde jeunesse pour ce policier datant de 1983, où René Belletto orchestre un étrange engrenage, avec le hasard pour complice.

Sur la terre comme au ciel

C’est au milieu des années 70 que le nom de Belletto est apparu sur la scène littéraire avec un recueil de nouvelles intitulé Le Temps mort - le type même de fantastique entre deux eaux, où le surprenant le dispute à l’inquiétant. Quelques années plus tard, et après divers textes expérimentaux (pensons aux Traîtres mots), le même Belletto, auréolé du prix Jean Ray pour son recueil, accède a davantage de reconnaissance encore avec Le Revenant, lui aussi récompensé d’un prix. En 86 rebelote : Belletto décroche cette fois le Fémina pour L’Enfer. Entre-temps, en 83 exactement, il y aura eu ce roman, Sur la terre comme au ciel, que Michel Deville allait porter à l’écran sous le titre Péril en la demeure, où figureront, outre la paire Malavoy-Nicole Garcia, Richard Boringer, Michel Piccoli et Anémone. Décidément abonné aux distinctions, signalons que ce roman-ci aussi se voit primé : il reçoit le Grand Prix de littérature policière.
Cette reparution sous le coude, on a une nouvelle occasion de se rendre compte du savoir-faire de René Belletto. On tient là un de ses livres les plus accomplis, à la fois par l’intrigue savamment construite, par l’atmosphère (étrange et lyonnaise), et par la richesse psychologique des personnages, à commencer par David Aurphet, le protagoniste principal, type même du gars désœuvré, vaguement hypocondriaque, mollement à la dérive, qui vit sans vivre vraiment, sans grande conviction ni entrain, qui vivote en donnant quelques cours particuliers de guitare. En un certain sens, ce David est un héros à reculons. Non pas un anti-héros mais un héros malgré lui, et il se sait pertinemment « héros d’une histoire à laquelle au fond (il) ne croyai(t) pas ». Et nous autres lecteurs, y croyons-nous ? Oui et non. On y croit sans y croire. A l’arrivée, après 373 pages, l’impression qu’on retire de cette lecture est celle-là : comme si, malgré nous, on s’était pris au jeu. Ce qui étonne le lecteur, l’intrigue, puis le tient, c’est ça, une très étrange atmosphère. On ne sait jamais avec Belletto si l’histoire a vraiment commencé. Tisser lentement, minutieusement, tout un réseau de fils, c’est tout l’art de Belletto. L’art et l’air de ne pas y toucher. Par cette écriture arachnéenne, il construit son roman comme une toile. Dans cette optique, on peut comprendre pourquoi de nombreux passages du livre semblent de prime abord peu importants et pourquoi, aussi, certaines scènes sacrifient à la lenteur - mais cette lenteur-là est celle du calme avant la tempête, la tempête étant ici un engrenage. Toutes sortes d’intermèdes, de digressions, d’entractes, ou cinéphiliques ou musicologiques, viennent interrompre le déroulement de l’histoire. Mais reprenant son fil, le suspens n’en est que plus intense et attendu. Au fond, il y a chez Belletto une manière de psychanalyste convaincu que les secrets se révèlent toujours peu à peu, très progressivement, et que la découverte de la vérité ne se donne jamais d’un coup, mais se dévoile dans tous les cas au terme d’une démarche chaotique, laborieuse, où le hasard a sa part. Le hasard ou la machination, c’est selon ou pas qu’on découvre les ficelles de ce qui se trame. Les personnages secondaires qui sont en quelque sorte les points de repères de David Aurphet vont, un meurtre survenant, se troubler sur fond de suspicion généralisée. En qui avoir confiance ? En Julia, la séductrice ? Dans l’aguicheuse Viviane, sa fille aux faux airs de Jayne Mansfield ? En Edwige, la curieuse voisine, férue de 7e art ? En tout cas, certainement pas en Graham, mari cocu et industriel louche. Rigueur de l’écriture mais également goût pour une certaine désinvolture, esprit de sérieux mais aussi désir d’en rire un peu, Belleto négocie tout du long entre ces opposés. Du coup, la gravité de son roman se nervure de dérision. Belletto ne saurait être totalement noir. Il paraît ne pouvoir prendre le désespoir au sérieux quand même il vous fait passer à deux doigts, comme c’est le cas ici, du gouffre.

Sur la terre
comme au ciel

René Belletto
Folio
373 pages, 7,70

La vérité se fait attendre Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°89 , janvier 2008.