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Domaine étranger Le maître du temps

mars 2008 | Le Matricule des Anges n°91 | par Thierry Cecille

Fausse autobiographie, évocation satirique de l’Istanbul cosmopolite de l’entre deux-guerres, voici enfin traduit un roman-clé de la littérature turque.

L' Institut de remise à l’heure des montres et des pendules

Nul besoin de s’être plongé - avec tourments et délices - dans Sein und Zeit de Heidegger pour savoir que notre rapport au temps est au fondement de notre être-là - et une caractéristique essentielle des différentes époques de l’humanité ! L’Institut de remise à l’heure des montres et des pendules, créé à Istanbul aux heures révolutionnaires de la République kémaliste, est donc un élément crucial de l’entrée dans la modernité, d’adhésion à l’Occident, de ce pays qui rejette alors les coutumes et costumes ottomans. Le narrateur de cette longue chronique fut le « secrétaire » du « directeur de la plus novatrice et de la plus utile des institutions », l’extraordinaire Halit le Régulateur (entre l’inévitable Attali et le vibrionnant Arnheim de L’Homme sans qualités de Musil). Tout au long des ces quatre cent cinquante pages, Tanpinar (né en 1901, romancier et essayiste reconnu, il publia ce roman peu avant sa mort en 1962) retrace avec minutie et humour l’existence de cet Hayri Irdal, antihéros que rien ne semblait prédestiner à une telle position prééminente.
La structure circulaire du roman ouvre et ferme la narration sur la description de cet Institut, l’explication de son fonctionnement, analysé avec l’acuité d’un sociologue des organisations dépeignant la croissance auto-entretenue des services et sous-services, l’extension, jusqu’en des provinces reculées, des tentacules bureaucratiques. Le favoritisme et le népotisme règnent, mais les slogans publicitaires (« L’homme véritable est la conscience du temps ») et les innovations au départ les plus improbables (par exemple, les « carnets d’abonnement d’amendes » pour ceux qui n’ont pas leur montre à l’heure officielle !) confèrent à cette administration inouïe l’apparence de l’inéluctable nécessité. Halit le régulateur, entre idéalisme et cynisme (on ne le perce pas à jour), mène la danse : « Moi je fonde une institution sans failles, une machine qui détermine elle-même sa fonction ». C’est qu’il n’a cure des détracteurs, de ceux qui, pense-t-il, ne comprennent rien à la marche réelle du temps : « Honni soit celui qui décrie la réalité ! nous, nous sommes à la recherche d’une vie plus active ». La vérité est ce qui peut être contrôlé, mis à profit : « le mensonge n’existe pas » car « se conformer à son siècle, c’est être l’homme de la situation. » On ira donc, pour répondre à cette situation, jusqu’à fonder une « Banque de la temporalité » - et on prévoira même un bureau tout entier consacré aux « affaires qui risquent d’être reportées » !
La partie centrale du roman, retraçant les années d’apprentissage du narrateur, de son enfance à sa rencontre décisive avec Halit, est plus inégale. On se perd parfois dans l’accumulation de personnages assez peu distincts, des épisodes tout entiers se rattachent assez mal à l’intrigue principale et certaines maladresses ou lourdeurs de la traduction (sans compter les fautes - les confusions entre le futur et le conditionnel, les malencontreux subjonctifs après après que - que l’on espère d’impression) mettent parfois à mal notre patience… Mais on prend un réel plaisir aux scènes burlesques parfaitement réussies et surtout à l’évocation d’un Istanbul aujourd’hui disparu où se mêlent artisans grecs ou arméniens, cheikhs et derviches, sous-prolétariat de mendiants et charlatans, narrateurs et personnages de dérisoires épopées qui se racontent de café en café - comme dans les meilleures pages de Mahfouz ou Cossery. En comparaison des « millions de minutes perdues » dans nos vies (« une déperdition à vous rendre fou »), celles que nous aurons passées en compagnie de ce fantasque Hayri Irdal ne tomberont pas dans le puits sans fond de l’oubli.

L’Institut
de remise
à l’heure
des montres et
des pendules

Ahmet Hamdi Tanpinar
Traduit du turc par Timour Muhidine
Actes Sud
455 pages, 25

Le maître du temps Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°91 , mars 2008.
LMDA PDF n°91
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