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Domaine étranger Feu de tout bois

mars 2008 | Le Matricule des Anges n°91 | par Lucie Clair

Trois nouvelles du Triestin Italo Svevo, entré en littérature à force de patience, enrichissent sa réflexion sur les avatars et les surprises de la vieillesse.

Le Bon vieux et la belle enfant

Lorsque les remords plus encore que les regrets assaillent la conscience, qu’il n’est plus possible de refaire, que le regard du monde le confirme et stigmatise, quand le poids de la connaissance de l’homme est plus lourd à traîner que de mauvaises jambes, et que l’on sent pourtant en soi continuer de poindre le goût de vivre - vouloir « aimer encore une fois : la dernière » - rien n’est simple.
Recueil posthume d’Italo Svevo, Le Bon Vieux et la belle enfant (1929) rassemble trois récits offrant une lecture en prisme de ces états liés à l’âge. Au revers des clichés - vieillesse serait synonyme de perte de vigueur, altération des jugements, troubles physiques insurmontables… - mais sans les nier, il met en lumière l’alternance des phases incandescentes de compréhension du monde, fruits de l’expérience, des rencontres, et de l’introspection, avec celles de confusion - souvent traduites par des malaises physiques - nées de l’impossibilité à faire taire la voix du désir. Vieillards portés par cette pulsion de vie, qui ne renoncent pas à rêver - ni à prendre leur rêve pour la réalité - ils sont en but, de par leur âge justement, à la contradiction de savoir qu’ils se mentent, par le seul fait d’avoir déjà vécu si longtemps - et font l’expérience de leur propre duperie. Combat mis en scène avec tout l’humour qu’on lui connaît, et lorsque le médecin du « bon vieux » tente de l’apaiser en parlant d’un ouvrage où « « la vieillesse y est considérée comme une maladie. De courte durée cependant. » Le vieux se récria : - Maladie, la vieillesse ? Maladie, une partie de la vie ? Et qu’était-ce alors que la jeunesse ? »
Tout à sa quête de vivre en « vrai » une dernière aventure, le « bon vieux » qui séduit une jeune conductrice de tramway « finit toujours par fausser ses aventures galantes ». Sur le thème du « barbon » cher à Molière, Beaumarchais et tant d’autres, Svevo fouaille ses angoisses d’un regard perspicace, empreint de tendresse pour les faiblesses humaines. Certes, la mort est au bout du chemin. « Cela aussi était une loi et toutes conspiraient à me perdre. Le plus dur était de devoir reconnaître qu’on ne les avait pas faites à l’instant, contre moi. Tout résultait de cette obscurité qui nous enveloppait, et de cette lumière. » Mais les ressorts de l’homme, et ses capacités à nier l’évidence même de sa fin, sont multiples. Face à l’heure dernière, « il ne faut ni trembler ni trahir » - et ce devoir-là ne cesse de tarauder le vieux de « Vin généreux », car, perclus qu’il se découvre de rancune et d’aigreur jusqu’à rêver « d’immoler sa fille » pour son salut, rien ne vient donner à croire qu’il en sera capable. Ni le démentir.
Italo Svevo (1861-1928) - pseudonyme signifiant « Italien souabe » choisi en écho de son nom Ettore Schmitz, déjà évocateur des origines italo-allemandes de ses parents - a toujours joué de l’autobiographie, moins par défaut d’imagination - les rebondissements de chaque récit en sont témoins - ou par souci de se donner de l’importance - son ironie ne l’épargne jamais, et ses vieux ne sont « bons » que lorsqu’ils parviennent à s’oublier un peu - que pour traquer la part d’insaisissable dans notre humanité. Comme Mario, la victime d’« Une fable réussie », auteur inconnu qui ronge son frein après un premier roman passé inaperçu, il a publié à compte d’auteur ses deux premiers romans (Une vie et Sénilité). Chacun fut ignoré de la critique et du public - au point de l’éloigner pendant vingt-cinq ans de toute tentative de publication. Tout comme Mario, il continue pourtant à écrire - des fables, des nouvelles, son journal. Et d’attendre la reconnaissance. Il avouera plus tard avoir souffert de cette ignorance. Il a 65 ans - âge de la plupart de ces « vieux » rebelles, aigres, retors qui traversent ces pages - lorsqu’il connaît pour quelques années « la gloire » à laquelle aspire le malheureux et digne Mario.

Le Bon Vieux et la belle enfant
Italo Svevo
Traduit de l’italien par Angélique Lévi, Paul-Henri Michel et Jeanne Modigliani
Points Seuil, 187 pages, 8,50

Feu de tout bois Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°91 , mars 2008.