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Égarés, oubliés Les notices de la notoriété

avril 2008 | Le Matricule des Anges n°92 | par Éric Dussert

Pur produit du taxinomique XIXe siècle, Gustave Vapereau fit œuvre de longue haleine. Pillé en son temps, il a laissé des cathédrales de papier d’une pyramidale utilité.

Tandis que les gens de lettres se démènent en vers et en prose - et en scénarii aujourd’hui - pour que les marbres de l’Histoire enregistrent leur passage, certains humbles compilateurs, maniaques cumulateurs, discrets additionneurs, tous confectionneurs d’outils de travail roboratifs et utiles, voient leur œuvre signalée par leur seul patronyme. Indiscutable gloire. Ainsi, comme on dit le Littré (Émile, 1801-1881), le Bouillet (Nicolas, 1798-1864) ou le Larousse (Pierre, 1817-1875), on se souvient du Vapereau lorsqu’on se dépêtre en de rameuses recherches. De fait, précieux parmi les plus précieux, le Vapereau est une panacée que chaque personne qui s’est un jour escrimée à ausculter le « stupide XIXe siècle » ne loue jamais sans saluer son concepteur. Il n’était cependant pas parti pour la gloire.
Fils du boulanger de la rue Bannier, à Orléans, Gustave Vapereau est né le 4 avril 1819. Équipé d’une fratrie nombreuse, il n’eut droit à une éducation solide qu’à l’âge de 11 ans, lorsqu’un oncle curé remarqua ses dispositions et le prit sous sa coupe. Avant de reconnaître que son élève était doté de capacités supérieures à ses propres talents de pédagogue : l’enfant entra au petit séminaire en 1832 et ne cessa plus d’apprendre.
Doté d’une merveilleuse mémoire, il enchaîna les classes du collège (1836) où Francisque Bouillier, le futur auteur de l’Histoire et critique de la révolution cartésienne (1842), lui donna le goût définitif de la philosophie, fut lauréat du concours national de philosophie de 1838, entra à l’École normale supérieure et devint, pour quelque temps, le secrétaire de Victor Cousin. Il obtint vite la chaire de philosophie au collège de Tours (1842) et ajouta à cet enseignement celui de l’allemand, puis se maria en 1844 à la fille d’un vigneron de Tauxigny, village du nord de l’Indre.
Tous ces détails biographiques posés, il importe d’arriver au haut fait de Gustave Vapereau - et ajoutons, à l’usage des amateurs de calembours, aux gros faits de cet inlassable travailleur. Signalé dès ses premières années d’enseignement pour son esprit peu impérial (id est libéral), il participa en 1847 à la création de La Liberté de penser dans laquelle il donnait des études sur la réforme pénitentiaire, la colonie de Mettray ou le divorce. Mais le Second Empire mit bientôt au rencard l’enseignement de la philosophie - les idées sont dangereuses pour les autocrates. Frappé par ces restrictions, Vapereau perdit son poste dès 1852 et trouva à s’employer en terminant ses études de droit entamées à Tours et en s’inscrivant au barreau de Paris (1854).
Il n’eut qu’à plaider quelques affaires : une grande idée avait jailli qui allait changer sa vie. C’est au normalien Jules Simon qu’il s’en ouvrit : son projet inouï consistait à réunir en un volume les biographies des personnages les plus fameux du temps. Les fonds nécessaires étaient pharaoniques. Du réseau normalien lui-même, l’éditeur Louis Hachette comprit vite l’intérêt d’un tel ouvrage et lui ouvrit ses portes. Vapereau s’y engouffra et, après trois ans d’un labeur acharné, publia son premier Dictionnaire des contemporains (1858) dont le succès fut fulgurant. D’une épaisseur considérable, il attira toutes les curiosités du monde « qui compte », força les admirations, justifia toutes les jalousies - on n’a jamais la notice qu’on mérite… -, bref, il s’arracha. Il fallut bientôt l’équiper d’un supplément, et quatre énormes pavés se succédèrent jusqu’en 1870.
Vapereau avait compris qu’un outil impartial - et il fallait du courage sous l’Empire… -, ne serait pas contestable, d’autant que l’ajout de nouveaux noms suscitait l’impatience des notabilités. Tant pis pour les mécontents, absents et vaniteux, toujours plus nombreux eux aussi. Tant mieux pour la presse de son temps (elle le pilla sans scrupule), et pour nous qui disposons depuis d’un outil faramineux.
Frustré par cet austère labeur, Vapereau se délassa en des travaux connexes, comme cette Année littéraire et dramatique (1859-1871) où il retrouvait sa voix critique. Ce délassement lui laissant apparemment des loisirs, il s’attaqua en 1862 à la conception d’un Dictionnaire des littératures qui ne paraîtra qu’en 1876 sous la forme d’un énorme bloc de papier d’une épaisseur de dix centimètres, lourd comme un âne mort. Puis vint la guerre. Le gouvernement provisoire lui offrit en septembre 1870 la préfecture du Cantal où il fut regretté lorsque, en 1874, il réintégra l’université qu’il quitta avec le grade d’inspecteur de l’Instruction publique (1877). Il avait eu le temps d’annoter Descartes et Molière.
Le dernier labeur de cet Hercule du savoir fut la publication, en collaboration avec son gendre Maurice Tourneux, sous le pseudonyme de Valtour, d’une anthologie de pensées et maximes dans L’Illustration (1880-1888), qui reparaîtra en 1896 sous le titre de L’Homme et la vie. C’était le terme de la sienne, le vieux philosophe avait usé sa corde et le décès de son épouse en 1905 le jeta bas. Il s’éteignit le 17 avril 1906 à Morsang-sur-Orge sans avoir quitté sa posture d’homme humble, réfractaire aux honneurs et à l’ostentation. Un exemple à suivre, en somme, si l’on veut briller… plus tard.

Les notices de la notoriété Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°92 , avril 2008.
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