La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Points de vues

avril 2008 | Le Matricule des Anges n°92 | par Marta Krol

Des berges de la Loire à la tenue d’un Journal : Philippe Beck observe ce qui l’entoure. Entre vie et livre, la pensée.

Une double livraison de Philippe Beck à la fois étonnante, par le genre de chacun des livres, et attendue par la teneur et la forme du propos. Les deux se ressemblent en ce qu’ils pratiquent une prose (poétique, forcément) de temps à autre interrompue par un poème. Pour De la Loire, il s’agit d’une suite de courtes proses, énigmatiquement intitulées V.d.p. + titre (ce n’est que plus tard on comprend que c’est de « vague de pierre » qu’il s’agit), lesquelles constituent une tentative de description de l’expérience de l’œil. Œil (mot très présent, dans les deux ouvrages) parcourant et examinant un paysage a priori ingrat, celui de la Loire qui « a des travaux de briques et ciments », mais qui est aussi « prose et poésie, et prose intermédiaire ». La tonalité des textes, réussie, s’impose comme subtilement grise et brumeuse, sans contrastes et sans à-coups, celle d’une aquarelle qui ne marie que du noir et du blanc. On y trouve des sortes de définitions d’objets vus, le plus souvent du fleuve, sous la forme de suites d’adjectifs juxtaposés, tous pensés, tous chargés d’un sens précis. On peine davantage à cause de ces propositions totalement opaques, résultats, il est vrai, d’une construction de pensée - donc non gratuits - mais fortement codée, et dont le code jamais n’est livré : « Le Pinceau Inapparent de L. est comme une poésie d’Acteur en société. »
D’autant que la recherche esthétique ne semble pas les concerner : on constate toujours, dans Beck, ce hiatus entre des énoncés en forme d’équations mathématiques, logiquement vrais et inaccessibles pour qui ignore les maths, indifférentes à l’esthétique, et des phrases au sens transparent, coulées dans une matière langagière choisie pour sa beauté. Le résultat de ceux-là pour le lecteur, même motivé, est, disons-le, frustration : sens incertain, plaisir aussi. Heureusement, l’autre catégorie est suffisamment présente pour que l’on n’oublie pas la satisfaction de la lecture. Aussi savoure-t-on la beauté sobre de certains vers : « Nappe de graines de pluie/ ou pluie de briques,/ se pose. » Ou « Des tuiles, pages de perles liées, plans d’ardoise ou de verre gris ». L’auteur revient souvent à la relation entre le paysage (vu d’ailleurs comme artefact, œuvre d’un pinceau) et le livre, avec des métaphores d’édition ou d’impression, puis entre le paysage comme écriture, et notamment l’écriture de soi (« Paysage est suite d’affections »). Cette reprise, très indirecte certes, du motif mystique de la création comme l’effet de l’action du verbe, sinon comme le verbe même, n’est pas sans surprendre : « (…) voile avec ses forces de préjour fait des bâtiments dans le pays - il taille les champs. Ou est taillé dans du verbe antérieur. Compose les traits du moi au fond, ses phrases rudimentaires. »
Dans Un Journal, on chercherait en vain le menu du déjeuner de l’auteur, ou la transcription d’une conversation téléphonique. « Ici, par la solitude conditionnelle (…) je réceptionne des signes de l’intérêt du monde comme il va ». Ce sont des notations libres, tellement libres qu’on les voudrait presque plus contraintes par l’exigence du sens, à propos, surtout, de lectures, mais aussi de musiques, et du fait contemporain très divers « Les quotidiens sont la gnose d’aujourd’hui ? » Les citations que Beck donne de ses lectures tranchent vivement, par leur style souvent limpide, avec celui de qui cite. Dialectique entre la vie et le livre est, là encore, un leitmotiv : comment celui-ci tend à englober, se confondre avec celle-là sans jamais s’y substituer. À côté d’une volonté, plus commune celle-ci, de capturer « Prose mondaine (qui) veut dire : le langage que parle le monde et qui régularise son état. » « Prose beckienne » est, elle, comme sa poésie : peu soucieuse de la lisibilité, cérébrale, dense, fondée en son idiolecte, et cependant, de temps à autre, attachante par ces morceaux rythmiques et lumineux presque involontaires : « Le vent dans l’eau, des masques Do, à lames-papillons, des cordes de fer dans la pluie de front. »

Philippe Beck
De la Loire
Argol, 100 pages, 17
Un Journal
Flammarion, 231pages, 20

Points de vues Par Marta Krol
Le Matricule des Anges n°92 , avril 2008.
LMDA papier n°92
6,50 
LMDA PDF n°92
4,00