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Essais Le monde pour demeure

mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93 | par Lucie Clair

Un an après la disparition de Kapuscinski, un autoportrait du grand reporter polonais réveille l’esprit qui animait ses témoignages empreints d’humanité.

Autoportrait d’un reporter

L’enfant rêvait de devenir « gardien de but dans l’équipe (de foot) de Pologne ». L’Histoire en décidera autrement. Né en 1932 à Pinsk, dans la future Biélorussie, Ryszard Kapuscinski a « traversé la guerre de long en large. Nous étions constamment en fuite : d’abord de Pinsk vers l’Allemagne, puis devant les Allemands. J’ai commencé à courir le monde dès l’âge de sept ans. » Il ne cessera de l’arpenter pour y recueillir les événements et les forces qui le transforment, persuadé que « le cours de l’histoire ne peut être changé », mais qu’il est de son « devoir fondamental » d’œuvrer pour un peu plus de compréhension et de partage dans un monde « où les gens (…) ne sauront jamais comment vivent leurs frères et leurs sœurs à deux ou trois mille kilomètres de chez eux à peine. » Lorsqu’il demande en 1956 un poste dans un pays « différent et exotique » à son premier journal, il pense à la Tchécoslovaquie. On l’envoie en Inde où il demeure plusieurs années, unique correspondant étranger de la rédaction, puis ce sera le Pakistan, l’Afghanistan, le Japon, la Chine. Plutôt que de rentrer, il rejoint l’agence de presse polonaise PAP, obtient la couverture de tout le continent africain - il y poursuit ses reportages pendant près de quarante ans. Les dépêches aux « raccourcis si superficiels » imposent leur contrainte frustrante - ce sera l’incitation à écrire ses livres. Ebène, Imperium, Le Negus, Le Shah, D’une guerre à l’autre sont le fruit de sa volonté de traduire « la réalité multidimensionnelle » qu’il ne peut insérer dans les calibrages journalistiques. Des ouvrages qui, avec son œuvre poétique encore inédite en français, lui ont valu d’être à plusieurs reprises cité pour le prix Nobel de littérature. Grand reporter, Ryszard Kapuscinski se démarque de bon nombre de ses confrères devenus « gens installés » – il n’a cessé de refuser postes fixes et directions de télé – et appartient autant à la petite famille des écrivains-voyageurs, des Bruce Chatwin, Nicolas Bouvier, Ella Maillard, qu’à celle, encore plus restreinte des reporters qui, à l’instar de Frank Westerman, et par la précision de leur verve, revivifient la présence d’Albert Londres. Jamais la trame narrative ne se départit de la subjectivité de l’homme, mais celle-ci, puisée à la source de son « puissant besoin d’empathie » envers les êtres qu’il rencontre, donne à voir – il est historien de formation – la marque que l’Histoire imprime dans leur vie.
Autoportrait d’un reporter revient sur son parcours, ses thèmes de prédilection - la littérature, ses liens avec Hanna Krall, Marian Brandys, le métier de journaliste, et ses efforts de clairvoyance face au « sceau de l’inégalité » inhérent, selon lui à la marche du monde. Écrire est un acte contre le fatalisme qui pourrait en résulter autant qu’une « vocation, une mission ». À son service, une langue aiguisée comme le fil d’une épée, tranchant préjugés et bons sentiments, tour à tour délicate, chatoyante - et radicale. Les livres-reportages de Kapuscinski se lisent tous comme des romans - « directement lié(s) à la vie ». Paru en Pologne en 2003, grâce au travail de la journaliste Krystyna Straczek, Autoportrait d’un reporter est un collage d’entretiens, articles et fragments de conférences construit comme une longue confidence, offrant le ton libre et sans détour qui nourrissent ses reportages - celui d’un homme qui cherchait avant tout à rencontrer ses semblables et dissemblables, pour le partage de sa joie et son étonnement, et qui aurait pu faire sien cette parole du maître chinois Chuang Tzou : « Si nous abordons les choses par leurs différences, même le foie et la rate sont aussi éloignés que les villes de Ch’u et Yueh. Si nous les abordons par leurs ressemblances, le monde est un. »
Derrière l’écrivain-reporter, le photographe et le poète, Kapuscinski fut aussi un personnage digne lui-même d’un roman, rattrapé par l’histoire et son poids, dont la carrière parallèle pour les services secrets polonais de 1965 à 1972 – ou 1977, le doute persiste – fut révélée par l’édition polonaise de l’hebdomadaire Newsweek.

Autoportrait
d’un reporter

Ryszard
Kapuscinski
Traduit du polonais par Véronique Platte
Plon
170 pages, 19

Le monde pour demeure Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°93 , mai 2008.
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