Ainsi que l’indique l’intitulé du Prix qui lui a été attribué par France Culture et la revue Urbanisme, nous découvrons bien, dans ce fort et beau volume, une « Ville à lire » : Villeurbanne. Du début du XIXe siècle, quand les premiers soubresauts de la révolution industrielle viennent provoquer la naissance de ce qui deviendra une véritable « cité du travail », jusqu’au crépuscule du XXe siècle où résonne le cri, ou plutôt le murmure funèbre, « On ferme », ce sont près de deux cents ans d’essor et de régression, de constantes mutations du paysage économique, social, politique et urbain, qui nous sont ici racontés. Philippe Videlier (historien et romancier) sait mêler la précision de la monographie universitaire (l’énumération des « fabriques » et de leurs propriétaires, la description des objets multiples et changeants qu’on y produit), l’analyse sociologique (le darwinisme social, le paternalisme patronal, les luttes syndicales) et l’évocation sensible des existences prolétaires qui vécurent, ou survécurent, en ces lieux. Nous découvrons ainsi les vagues successives de l’immigration, le progrès puis le déclin du Parti communiste, la joie de 36 que l’on tenta de rejouer en 68, puis, dès les années 70 (on l’oublie souvent), les premières restructurations et l’épidémie du chômage inéluctable. Le choix judicieux des illustrations anime ces pages : on s’attarde avec émotion sur ces photographies des ouvriers, hommes et femmes, à la sortie des usines ou aux tables d’un bistrot, on déchiffre les en-têtes - sobrement informatifs ou dithyrambiques - des papiers à lettres commerciaux, on sourit ou l’on médite à la lecture de tampons d’associations ou de tracts syndicaux : « Travailleurs ! À partir du 1er Mai 1906, ne travaillez que
8 heures par jour. »
Usines de Philippe Videlier
La Passe du vent, 450 pages, 15 €
Essais Au travail, citoyens !
juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94
| par
Thierry Cecille
Un livre
Au travail, citoyens !
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°94
, juin 2008.