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Poésie Amplitudes

juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94 | par Lucie Clair

Dans les espaces du quotidien résident des trames insaisissables. De ce lieu, Jacques Ancet revient comme d’un voyage dont il a tenu le journal.

Journal de l’air

À la lueur des quasars, sources d’ondes radio et de lumière, tour à tour disertes puis silencieuses, émises au gré d’un environnement qui les stimule - et les chercheurs s’accordent à envisager de massifs trous noirs à l’origine de ces objets électromagnétiques, dénués de corps et pourtant les plus lumineux de l’Univers - l’espace intergalactique vient de révéler à une équipe de chercheurs en astronomie sa structure en fils ténus, toile d’araignée quasi invisible, charpente d’un espace dont le vide paraissait une évidence. Cette découverte est toute récente. Jacques Ancet en a eu l’intuition, car le regard du poète précède parfois celui du savant. Journal de l’air, écrit entre 1998 et 2000, ne dit finalement pas autre chose. Que l’énigme des échos des corps et des objets, imperceptibles, hors de portée des sens habituels, sans nom. Ni vraiment son, ni lumière, ni vibration, mais parfois tout cela à la fois aussi, et qui relient, tissent un minuscule fil, fragile, insaisissable, entre les volumes que chaque chose occupe. Moins qu’une empreinte, moins encore qu’une absence- qui se remarquerait - « quelque chose : on dirait de l’air. Moins, une attente sans objet puisque les objets ne font que dessiner le vide sur lequel ils se détachent. »
Avec la même opiniâtreté qu’un chercheur, Jacques Ancet a voulu explorer ces chemins subtils dont nos perceptions ne peuvent rendre compte que de manière imprécise, et reconnaître, pointer d’une plume légère, simple, « l’éclat de ce qui vient ». Le poème est l’instrument et la manifestation en même temps du mystère de « l’épaisseur du vide ». Jour après jour, au quotidien, par la sobriété de scènes captées avant la narration, ou bien juste là où elle prend naissance, où on ne la connaît pas encore, mais la devine à peine - avec la même sensation que lorsque l’on cherche un mot qui s’attarde sur le bout de la langue - le recueil offre à ressentir la part de l’indéfinissable, de l’étrangeté qui réside au cœur de la vie comme des êtres et des choses qui la parsèment. Invoqués plus qu’évoqués, tant les poèmes d’Ancet sont dépouillés, une salle d’attente, un corps, un visage, le temps, le silence, le ciel, bruissent de résonances, ou d’échos, ou de presque rien, et ne cessent d’élargir l’espace, pour lui offrir une amplitude insoupçonnée, faite de « ce miroitement invisible / où tout se traverse et te traverse ».
Vouloir dire l’indicible peut se refermer sur le poète comme un piège. Confiant dans le fait que le poème « c’est ne pas savoir, ne pas comprendre et, pourtant, être sûr », Jacques Ancet a préféré réunir les conditions de nous le faire deviner. Journal de l’air est le travail d’un diariste attentif, et le lieu où s’écrivent la traque et la trace de « ce désir, seul, minuscule mais tenace. Une sorte de lueur, comme sous une porte. » Ses poèmes se lisent comme un cheminement secret, telle cette toile tissant l’espace entre les galaxies, à la fois réseau et réservoir de matière - chacun d’eux est à la fois respiration de l’instant et son expansion - en écho à l’exergue de Saint Jean de la Croix, dont il venait de traduire La Nuit obscure et le Cantique spirituel (Gallimard, 1997).
Hispanique de formation - il enseigna l’espagnol pendant trente-quatre ans -, traducteur de Luis Cernuda, José Angel Valente, Antonio Gamoneda, Vicente Aleixandre, entre autres, Jacques Ancet est né en 1942 à Lyon, et n’a jamais séparé l’écriture poétique de ces travaux de « recréation ». Nourrie de la fréquentation des zones inexplorables qui séparent une langue d’une autre, sa poésie s’offre aussi en hommage à la pensée d’Henri Meschonnic : « traduire ce que les mots ne disent pas, mais ce qu’ils font. » Ici, insensiblement, ils s’emploient à modifier profondément notre relation au vide.

Journal de l’air
Jacques Ancet
Arfuyen
162 pages, 16,50

Amplitudes Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°94 , juin 2008.
LMDA papier n°94
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