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Essais Amour polyphonique

juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95 | par Jérôme Goude

Emboîtant récit et soliloque, le « Nouveau discours amoureux » du sociologue Henri-Pierre Jeudy recense les modulations d’un trio sentimental.

Nouveau discours amoureux (suivi de) Dialogue avec René Major

Que peut-il advenir du « Je t’aime » - ce mot de la fusion maternelle et amoureuse - quand aimer se dédouble ? Quelle promesse cette expression, à la fois banale et sublime, recèle-t-elle lorsqu’un sujet désirant l’énonce alternativement à deux êtres distincts ? À quelle certitude, fût-elle illusoire, ce « je », qui « se trouve en équilibre instable comme s’il risquait de se perdre », peut-il s’arrimer ? Tel est l’écart émotionnel dans l’espace duquel les trois funambules du Nouveau discours amoureux lévitent, non sans grâce et pudeur.
Un homme contemple le « ciel encore sombre » et se remémore le jour où sa femme lui annonça qu’elle pourrait recouvrer le plein usage de « son cœur troué », différant l’imminence d’une mort précoce. Entre eux, une longue complicité amoureuse ; laquelle, le crût-elle, « aurait dû être interminable ». Interminable comme le dessin d’un sourire, d’une hanche, canalisant le flux d’un désir qui jamais ne s’éteint ; ce désir d’elle qui, chaque fois qu’elle naît au monde, « semble revenir d’un pays nocturne où les étoiles se chamaillent pour créer l’illusion de l’aurore ». Mais que peuvent encore l’ « ondoiement des caresses » de l’homme, les preuves tangibles de son affection, son regard, contre l’angoisse fichée en elle comme une béance indexant tout ce que l’autre femme lui a dérobé ? L’autre femme, cette rivale venant de là-bas, « de l’autre côté de l’océan », et qu’il dit aimer pour ce qu’elle possède de plus inviolable ; mais, surtout, afin de retourner vers elle, l’épouse, « autrement, libéré de ses angoisses de mort et de vieillissement. »
Rythmé par le battement lancinant des jours et des nuits, glissant insensiblement d’un lieu l’autre - la lande, Paris, la route de la Creuse… -, ce beau texte d’Henri-Pierre Jeudy déploie une troublante variation éthique de l’intime. Une variation dans le lit de sensualités de laquelle le souffle de l’attente neutralise toute velléité d’emportements. Et où l’impersonnalité met à nu la sensitivité du corps, son aveugle abandon. Ce corps que, çà et là, l’érotisme descriptif d’Henri-Pierre Jeudy découpe, libérant quelque blason qui n’est pas sans rappeler l’Origine du monde de Gustave Courbet : « De l’ombre noire quelques rares poils blancs, le manque ouvert à l’œil qui s’engouffre dans les replis roses de la chair, le temps d’une absence au monde pour en ressentir l’origine, l’humeur flapie, (…), l’odeur de la terre chaude après les pluies d’orage, et le souvenir de la première nuit, perdu dans l’éternité, signe ultime de la virginité. » Ou bien plutôt ces deux corps féminins desquels l’homme refuse d’être séparé, parce que l’unicité de l’amour « ne s’établit pas sur une alternative » et que son chant n’est pas systématiquement exclusif et restrictif.
Aussi, au détour de quelques fragments narratifs, un « je » s’exprime, sorte d’ « embryon bicéphale » qui, du fait d’être amoureusement partagé, n’ « a pas vraiment d’extériorité possible ». Et c’est bien cette extériorisation d’un impossible à vivre et d’un choix intenable que la parole de cet homme s’acharne à circonscrire, aux dépens du compromis social et de ses stéréotypes. Cet homme, que son propre discours amoureux divise et que l’entente à venir des deux femmes inquiète, oscille en effet entre la force du désir et la folie de la tentation suicidaire. Jusqu’à ce qu’un matin la joie ne jaillisse de nouveau ; cette « joie étonnante qui s’agite comme une fillette irrévérencieuse, capable de conquérir le monde à elle toute seule. »

Nouveau
discours
amoureux

Henri-Pierre
Jeudy
(suivi d’un dialogue avec René Major)
Éditions Léo Scheer
115 pages, 15

Amour polyphonique Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°95 , juillet 2008.
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