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Poésie L’inavouable

juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95 | par Richard Blin

Nus comme la nuit et beaux comme la mort, les poèmes de foudre, de folie et d’effroi, de Georges Bataille. Des poèmes dont il est aussi la victime extasiée.

L' Archangélique et autres poèmes

Ces poèmes marient l’horreur d’être à la transgression, et incarnent littéralement « l’approbation de la vie jusque dans la mort », autrement dit l’érotisme tel que le conçoit et le définit Georges Bataille. Né d’un père syphilitique et aveugle, en 1897, mort en 1962, il a rédigé le programme de la sociéte secrète et de la revue Acéphale, fondé, avec Michel Leiris et Roger Caillois, le Collège de sociologie, et est l’auteur du Bleu du ciel, d’Histoire de l’œil, du Coupable… C’est dire combien L’Archangélique (dont la première parution remonte à 1944), et les autres poèmes qui l’accompagnent, relèvent de la haine de la poésie, et de l’impossible (pour reprendre le titre que Bataille donna à l’un de ses livres). Une pratique de la poésie qui est renversement des valeurs et exploration du pouvoir de volupté de la négativité.
Tout ce dont l’homme a tendance à s’écarter - la mort, la souillure, la consumation, le sacrifice -, Bataille le chérit. Un refus des limites vécues comme expérience intérieure. Il s’agit de s’approcher des limites où toute compréhension se décompose, de viser le point et le moment où rire, érotisme, extase et mort s’inscrivent en une perspective unique. Aller jusqu’à l’inconnu sans partage, jusqu’à cet au-delà du pensable et du possible qui relève autant de « la joie qui retire la robe » que du rire « de la pluie/ du pipi du pape/ de maman/ d’un cercueil empli de merde ».
C’est dire la violence des appétits (Bataille pensait que l’interdit est là pour être violé) et des pulsions verbales dont le poème est le réceptacle. Une violence revendiquée comme voie d’accès à la « poésie véritable », celle qui sacrifie les beautés du poétique et les « glorieux mensonges » mallarméens (ceux d’un poète tissant sur fond de Néant, le voile, qu’il sait mensonger, de la beauté) au profit de « l’obscène vérité », celle de la nudité de l’être devant l’irrémédiable de sa propre ruine, ainsi que l’explique très bien Bernard Noël, dans sa préface. Une poésie où l’illusion est donc constamment dévorée par la force lumineuse de l’obscénité, (« Ma propre mort m’obsède comme une cochonnerie obscène et par conséquent horriblement désirable »), sa puissance d’incongruité, sa force de scandale et d’effraction. « De la bouse dans la tête/ j’éclate je hais le ciel/ qui suis-je à cracher les nues/ il est amer d’être immense/ mes yeux sont des cochons gras/ mon cœur est de l’encre noire/ mon sexe est un soleil mort// les étoiles tombées dans une fosse sans fond/ je pleure et ma langue coule/ il importe peu que l’immensité soit ronde/ et roule dans un panier à son/ j’aime la mort je la convie/ dans la boucherie de Saint-Père ».
L’excès se fait absolu. Il y a là comme la volonté de mourir au fait de n’être qu’un homme, en suscitant, par une dramatisation extrême, ces moments souverains où le savoir (qui ne permet pas de penser la mort) est comme mis à mort par le non-savoir - cette connaissance par l’impensable, qui ressemble à une tentative d’approche de l’inconnaissable du cadavre. Ce que la pensée ne peut concevoir, l’éveil et le crescendo de tous les sens l’expérimente. « Flamme de nuit/ jambe sciée/ cervelle nue et pied nu/ le froid le pus la nuée/ le cerveau mouchent du sang.// J’ai faim de sang/ (…)/ faim d’ordure faim de froid. // Je me consume d’amour/ mille bougies dans ma bouche/ mille étoiles dans ma tête// mes bras se perdent dans l’ombre/ mon cœur tombe dans le fond/ bouche à bouche de la mort ».
Tout un monde de sensations puissamment archaïques qui, dévoyant la méditation et la pensée, fait de la poésie un « sacrifice où les mots sont victimes ». Des mots eux-mêmes toujours à la limite de la défaillance, qui donnent voix et passage à ce que constamment nous refoulons. Une poésie à laquelle on aurait ôté le vêtement et la forme, et qui enfanterait de la mort.

L’Archangélique
et autres poÈmes

Georges Bataille
Poésie/Gallimard
216 pages, 6,20

L’inavouable Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°95 , juillet 2008.
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