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Médiatocs “ Les mecs, on la perd ! “

septembre 2008 | Le Matricule des Anges n°96 | par Thierry Guichard

Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.

Je reviens te chercher

Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par Guillaume Musso dans son dernier roman, pardon, best-seller. Ethan, son héros, a quitté son seul ami et sa fiancée pour se faire une vie meilleure. Fini les dimanches à boire des bières et les samedis à pousser un caddie dans les supermarchés (notre sort à tous). Il sera un thérapeute (Paulo Coelhiste) adulé des médias, avec yacht, Maserati, fringues de luxe et succès féminins (notre rêve à tous). Il a surtout quitté une deuxième fiancée (la première n’était pas assez glamour pour nous faire rêver). C’est Céline, une (forcément) belle hôtesse de l’air qui, elle, va prendre le bon chemin et devenir professeur des écoles pour enfants handicapés de Belleville (sortez les kleenex).
Prenez les sujets qui font de l’audience à la télé, ces modes qui ravissent les sociologues du petit écran. Le poker, par exemple qui enfièvre les Français. Ethan est super fort au poker. Il est même allé jusqu’à la table finale des WSOP (on n’y croit guère) après s’être acquitté des 1000 dollars demandés. Signalons à Guillaume Musso, qu’on ne paie pas pour entrer en table finale et que le buy in du tournoi est fixé depuis 1972 à 10000 dollars, ce serait bien que l’auteur relise ses fiches.
Prenez les résultats médiamétrie et constatez combien Docteur House, Urgences, ou Grey’s Anatomy mobilisent l’attention des téléspectateurs qui adorent l’hôpital à la télé. Concluez qu’il vous faudra des scènes fortes du genre : « Commence le massage cardiaque, Rico. Pete, vire-lui ses fringues. (…) Glasgow à 3, pas de pouls fémoral. Putain, on la perd, les mecs, on la perd ! » (p.186)
Définissez votre cœur de cible (ménagère ce serait pas mal, mais jeunes imbéciles encore à courir après des études, ça peut le faire aussi, visons large) et faites en sorte que vos personnages ressemblent à votre panel. D’où une mère de deux enfants que les tâches ménagères et un mari absent mobilisent au point qu’elle n’ait pas de temps pour elle, pour aller au cinéma ou lire les livres de Paulo Coelho. Elle aura un accident (c’est juste avant « Glasgow à trois ») mais sans conséquences pour elle ou ses mioches, ouf. L’autre technique, concernant les personnages, est d’en faire des êtres plats, sans relief, jamais décrits. Ethan ? On ne le voit pas. Céline, sa chérie d’amour ? Pas plus. Tous transparents, coquilles vides dans quoi chacun pourra mettre un peu de soi. Ou rien du tout.
Enfin, trouvez le sujet universel autour de quoi tournera toute l’histoire. Ici, comme toujours chez Musso, c’est l’amour. Parce qu’Ethan est toujours amoureux de Céline (pourquoi alors l’avoir quittée ?) et elle de lui. Ça donne des phrases bouleversantes : « À l’intérieur, son cœur saignait, exsudant un poison brûlant et fatal qui lui offrait néanmoins une chaleur provisoire. » Le 31 octobre 2007, Ethan meurt assassiné à la fin de la journée, mais on (qui ?) lui donne une deuxième puis une troisième chance. Il se réveillera donc deux fois et ce sera toujours le 31 octobre 2007. Il faudra qu’il refasse la journée pour essayer d’atteindre la rédemption, alleluia. Il découvrira qu’il a une fille, il retrouvera Céline et ce sera l’amour : « Deux mains qui se joignent. Deux bouches qui se prennent. Deux corps qui se cherchent. (…) Lèvres mordues, corps qui s’unissent, cœurs inflammables. Incendie qui ravage et dévore. Grenade dégoupillée jetée au milieu du lit. » Ah cette grenade ! Outre qu’elle fait le lecteur se pisser dessus permet au moins de contourner l’interdit. Car, dans cette histoire d’amour, nul érotisme, nul corps dénudé. On reste à la surface aseptisée des choses.
Reconnaissons cette qualité à Guillaume Musso : son style est au diapason de ses personnages et de ses histoires ; définitivement plat. Il est comme l’ancienne mire de la télévision, quand tous les programmes étaient finis. Il paraît qu’à l’époque déjà, ils étaient quelques centaines de milliers à la regarder.

Je reviens te chercher de Guillaume Musso, XO éditions, 331 pages, 19,90

ce qu’en dit la presse

Le Figaro : « Pour en arriver là, (il) s’est appuyé sur trois piliers : l’école Bernard Fixot, l’énorme travail sur le texte, et le lien étroit que le romancier entretient avec ses lecteurs. »

Aujourd’hui en France : « Musso nous surprendra toujours parce qu’il a un don : celui de jouer avec la course du temps, de démonter le destin comme un réveil ».

“ Les mecs, on la perd ! “ Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°96 , septembre 2008.
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