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Histoire littéraire Barthes, degré zéro

mars 2009 | Le Matricule des Anges n°101 | par Didier Garcia

Presque trente ans après sa mort, parution simultanée de deux inédits de Roland Barthes (1915-1980). Un événement ? Loin s’en faut….

Journal de deuil : 26 octobre 1977 - 15 septembre 1979

Carnets du voyage en Chine

Depuis 2002, l’œuvre de Roland Barthes s’est enrichie de quel-ques joyaux, notamment les trois cours donnés au Collège de France (Comment vivre ensemble, Le Neutre et La Préparation du roman, laissée inachevée). Ce sont aujourd’hui des écrits intimes qui viennent compléter l’ensemble.
Du 11 avril au 4 mai 1974, Barthes séjourna en Chine (répondant ainsi à une invitation officielle), en compagnie de François Wahl (qui sera son dernier éditeur au Seuil) et d’une délégation du groupe Tel Quel (Philippe Sollers, Julia Kristeva et Marcelin Pleynet). Pendant ces trois semaines, Barthes ne fit pas exactement comme Gide lorsqu’il descendit le Congo (lisant alors du Bossuet), mais il parvint quand même à noircir quatre carnets de notes, s’illustrant donc dans le rôle de l’écrivain en vacances, tel qu’il l’avait habilement croqué dans ses Mythologies. Ce sont précisément ces notes que le lecteur découvre, lesquelles surprennent par leur pauvreté. La faute revient surtout à cette Chine maoïste, alors rongée par la campagne menée contre Confucius et Lin Piao : Barthes y éprouve un « ennui mortel », et confesse n’avoir « rien à noter, à énumérer, à classer ». On a beau progresser à l’intérieur du volume, c’est partout aussi sec, aussi désespérément stérile et aussi inconsistant (il ne retrouve pas là-bas son habituelle « jouissance d’écriture »). Ce qui rend son voyage incolore, à ce point insipide, c’est la rareté du signifiant, alliée à l’opacité politique. Et même s’il se montre attentif à l’art de servir le thé ainsi qu’aux discours stéréotypés qui leur sont servis à chaque visite, on partage son ennui, ses bulletins météo (« Temps voilé. Vent froid »), et c’est avec consternation qu’on découvre sous sa plume que le shopping le fait enfin revivre…
Le pire, c’est que le Journal de deuil ne vaut guère mieux (d’un point de vue littéraire s’entend). Journal, c’est d’ailleurs beaucoup dire : du 26 octobre 1977 (donc au lendemain du décès de sa mère) au 15 septembre 1979 (il vient d’achever la rédaction de La Chambre claire), Barthes consigne sur des fiches tout ce qui a trait à son deuil. Il s’agit souvent d’une phrase (« Chacun son rythme de chagrin. »), et parfois de quelques lignes. On y trouve à peu près ce que l’on pourrait lire ailleurs en pareille circonstance : l’oubli de la voix, la douleur de la perte… On le voit ainsi se confier à la banalité, et tenir la chronique de son chagrin. Un chagrin somme toute bien ordinaire, foncièrement égoïste, puisque condamné à parler de lui-même.
Il faut le reconnaître, avant de le déplorer : il y a peu à garder de ces deux volumes. Sans apporter une contribution involontaire à la polémique suscitée par cette double publication (ces textes auraient été rendus publics par le fils de Roland Barthes, contre l’avis de François Wahl), il faut quand même s’interroger sur l’intérêt de ces notes. Pour ceux qui fréquentent ou ont fréquenté l’œuvre de Barthes, ces pages intimes n’apporteront rien ne nouveau (mêmes réunies, elles sont loin de valoir celles données dans « Délibération », d’ailleurs écrites durant la maladie de sa mère). Mais qu’en sera-t-il exactement pour ceux qui découvriront ici Roland Barthes ? S’en tiendront-ils à ce Barthes anecdotique, qui mérite à peine un détour ? Souhaiteront-ils explorer son œuvre pour en découvrir la richesse ? On peut raisonnablement en douter.
Pour reprendre à Alain Robbe-Grillet un de ses titres (qui s’appliquait à une exposition de ses dessins), on dira que l’on tient là « un Roland Barthes de plus ». Assurément, pas le plus nécessaire.

Journal de deuil et Carnets du voyage en Chine de Roland Barthes, Seuil, 280 pages, 18,90 , Christian Bourgois, 256 pages, 23 e.
Signalons aussi : Pourquoi j’aime Barthes d’Alain Robbe-Grillet, (Christian Bourgois, « Titres », 80 pages, 8 ), et Roland Barthes, un été (Urt 1978) de Jean Esponde (Confluences, 14 , 120 pages)

Barthes, degré zéro Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°101 , mars 2009.
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