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Domaine français Tracés anatoliens

avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102 | par Jérôme Goude

Les Hémisphères de Magdebourg

Hilaire de Meux, un éminent historien - grand spécialiste de la période dite seldjoukide (nom d’une grande dynastie turque du Xe siècle) et directeur du Centre d’études anatoliennes -, a été sauvagement assassiné au moyen d’un objet contondant. Jeune fille s’avouant futile, âgée seulement de 23 ans, Bline revient à Istanbul pour, dit-elle, « mettre de l’ordre dans les papiers de (son) père et dans toute cette maison qui fut aussi la (sienne) durant dix ans. » Tantôt seule, se masturbant avec les « poils fournis » du blaireau de son père, tantôt flanquée de Sahim, rédacteur d’une revue satirique Ahtapot et amant occasionnel, elle macule certaines représentations de son passé de taches de peinture blanche dans l’espoir de conjurer le vide alentour. De la place Taksim, devant ce qui fut naguère son collège, au Sourire Hongrois, lieu branché, en passant par le quartier de Béchiktache, là où crée le frère artiste de Sahim, Bline tente de se perdre. En vain…
Un texte étrange alliant verve satirique et plaisir de la syntaxe.
À Rhode-Saint-Genèse, Benedikt Centaure-Wattelet, vieil expert de la période grecque pré-chrétienne qui, très tôt, fraya avec le parti ultranationaliste Rex fondé par Léon Degrelle et s’enrôla dans les « Kunstbrigade » responsables du pillage de sites archéologiques, est penché sur son « assiette de féculents ». Fort d’un « goitre que festonne le souvenir d’une trachéotomie », de jambes « grêles, imberbes », d’un ancien « réseau de rabatteurs », ce truand véreux et atrabilaire est tout entier concentré sur le marché qu’il a conclu avec les Townsend, de richissimes Amerloques de Boston. Son ultime et fructueuse affaire. En dépit du fait qu’il soit persona non grata dans toute l’Asie mineure depuis les années 80, Centaure-Wattelet est fermement décidé à aller récupérer lui-même, sous une fausse identité, une pièce manquante de quelques millions de dollars : la tête du colossal Hercule de Lysippe. Aller simple pour la Turquie…
Qu’est-ce donc ce premier roman qui, tout en affûtant verve satirique, plaisir de la syntaxe et curiosité, laisse un sentiment indiscernable de perplexité ? Perplexe comme peut l’être Bline devant cette gravure représentant Otto Von Guericke, un bourgmestre de Ratisbonne qui réalisa, en 1663, l’expérience dite des « Hémisphères de Magdebourg » dans le but d’infirmer la thèse de l’horror vacui. Où Bertrand de la Peine, dont le ton n’est pas sans évoquer Éric Chevillard et dont une certaine préciosité de la langue rappelle la prose d’Éric Laurrent, compte-t-il nous mener ? Quelques lettres de Benedikt Centaure-Wattelet à Hilaire de Meux, retrouvées in extremis derrière un vieil atlas, nous renseigneront sur le sentiment anti-hellène qui anima certains milieux artistiques. Elles nous diront la nature des liens unissant, longtemps après et comme malgré eux, les deux hommes : « Tu sais pertinemment que la partie inférieure de la statue croupit depuis des années dans les réserves du musée d’Antalya. (…). Récupérer cette moitié nécessiterait une présence officielle sur le terrain, quelqu’un qui nous servirait de couverture pour agir en toute tranquillité. »
Incrédule et cependant captif, une fois encore à la manière de Bline emportant finalement cette gravure ottomane sur laquelle un artiste a inscrit le mot « Hitch bir chey », en arabe « Rien », le lecteur peut suivre le tracé du Rien, sans nécessairement ajointer les fragments épars des Hémisphères de Magdebourg pour créer un surcroît de sens ? Suivre ce tracé du Rien qu’est l’écriture savoureuse de Bertrand de la Peine.

Les Hémisphères de Magdebourg de Bertrand de la Peine - Éditions de Minuit, 157 pages, 14

Tracés anatoliens Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°102 , avril 2009.
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