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Domaine étranger 1984, la suite

avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102 | par Lucie Clair

Au sein de la société sécuritaire post-11 septembre, les personnages de Jonathan Raban cherchent leur vérité entre contrôle et plaisir.

Dès le départ, les accents orwelliens s’imposent, tout autant qu’un rythme haletant - en commençant Surveillance, il faut s’attendre à ne pas trop dormir… Suspense, dévoilements, rebondissements, se succèdent dans ce roman au ton volontiers satirique et populaire - comme le sont les excellents thrillers. À Seattle, Lucy, journaliste un peu bègue et plus encore idéaliste, sa fille Alida pré-ado de 11 ans, passionnée d’algèbre s’attachant à la « possibilité de transformer sa mère en problème soluble », leur voisin de palier et ami Tad, acteur en panne de contrats, happé par la Toile et ses rumeurs, s’embarquent dans une enquête secrète lorsque la jeune femme est mandatée par un magazine pour réaliser le portrait d’August Vanags - écrivain reclus, porté en tête des ventes pour ses souvenirs d’enfance. Survivant de la Deuxième Guerre mondiale, « témoin oculaire de l’horreur, victime d’Hitler et de Staline », l’homme est d’un abord affable - mais quel lien y a-t-il entre le retraité bavard et propret, au « chic albinos » rappelant le lapin d’Alice au pays des merveilles, fan de Reagan, et l’enfant soumis au pire ? Lucy reste perplexe, comme face à « une sorte de tour de prestidigitation vivant, un chef-d’œuvre de transformation improbable ».
« Fabrication industrielle de la peur ».
Le soupçon de l’imposture se profile dans une ambiance où le mensonge devient l’un des moyens d’échapper à la société sécuritaire, ponctuée de barrages routiers, où l’on vaque sous l’œil vigilant de caméras et autres renifleurs de menaces cachées, où les exercices d’ « alerte rouge » censés éduquer la population aux attentats donnent le sentiment que « le gouvernement s’était lancé dans la fabrication industrielle de la peur », et que « « sécurité intérieure » signifiait maintenir l’intérieur du pays en état d’insécurité permanente ». Qui est vraiment August Vanags ? Que cache-t-il derrière son discours exalté contre « la quatrième guerre mondiale » ? Comment trouver une voie au cœur de ce quotidien où la présence des militaires offre pour repère la « pire combinaison possible, testostérone et QI minimum », comment ne pas céder aux tentations de contrôle ambiant, offert comme en verso par Internet et ses mines d’informations ?…
Rien n’en sera dévoilé ici, ce serait ruiner le plaisir du lecteur à rebondir avec Jonathan Raban, de chausse-trapes en faux-semblants, sur le fil du rasoir d’un humour enlevé - ses dialogues sont hilarants -, d’un roman monté en short cuts, digne de meilleurs visionnaires que furent Ray Bradbury, George Orwell et Aldous Huxley. Car, si Raban n’a pas opté pour la science-fiction, ses écrits battent de la même veine - lucide, en alerte, consciente des multiples occasions où la frontière entre le bien et le mal s’estompe de manière insidieuse, jusqu’à favoriser la perte de discernement, l’absence à la raison, la rupture du lien entre les êtres. Luttant contre leur réaction impuissante face aux relents de « fascisme » latent ou sentiment de « panique », les protagonistes de cette Surveillance nous renvoient aux difficultés à trouver l’espace de réflexion, le recul de pensée nécessaires pour ne pas céder à la seule injonction de la peur. Ce n’est pas un hasard si cet écrivain aguerri - né en 1942, il a reçu de nombreux prix en Angleterre et aux États-Unis où il réside actuellement - cite au détour d’un dialogue Joan Didion, auteur d’un remarquable texte paru dans le New York Review of Books en 2003. Fixed Ideas - America since 9. 11 (non traduit) débusquait déjà cet état de fixation, de stupeur propice à la mise en place d’un État tout-puissant, sapant peu à peu notre statut de citoyen.

Surveillance de Jonathan Raban - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Antoine Cazé, Christian Bourgois éditeur, 413 pages, 26

1984, la suite Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°102 , avril 2009.
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