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Zoom Scandaleuse beauté

juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104 | par Richard Blin

Tressant les brûlures du sang à la langue des rêves, les récits de Mandiargues (1909-1991) sont réunis en un seul volume. Capiteux.

Récits érotiques et fantastiques

En dépit d’une œuvre se déclinant en récits, romans (La Marge, prix Goncourt 1967), poèmes, théâtre et critique d’art, qui connaît encore aujourd’hui André Pieyre de Mandiargues ? Né en 1909 et vite orphelin de père, il vivra une enfance normande à l’ombre des falaises de craie du pays de Caux. Très timide, affligé de bégaiement, il lit beaucoup. Fort d’un héritage qui lui permettra de vivre sans travailler, il connaîtra les boîtes de nuit de Montparnasse avant de découvrir l’Europe et l’Orient méditerranéen, seul ou avec Henri Cartier-Bresson, son ami d’enfance, qui prend ses toutes premières photographies. Commençant à écrire dans le plus grand secret, il ne publiera son premier livre, Dans les années sordides, qu’en 1943, à compte d’auteur, un recueil de poèmes en prose et de contes, qui ouvre le volume réunissant aujourd’hui, pour la première fois, l’ensemble de ses récits.
Des textes nés du désir de recréer une émotion pareille à celle qu’avaient provoquée ses propres lectures - dramaturges élisabéthains, romantiques allemands, poètes baroques français, Poe, Nerval, Sade, Breton, Bataille. D’où le choc d’une œuvre à bien des égards provocante, hantée par l’ange du bizarre et explorant avec ravissement l’étrange zone où se confondent songe et réel. Une œuvre tirant joie de l’irrévérence et de l’insolite, du panique et du funèbre, du profanatoire et de l’extase - façon de lier les extrêmes et de les rendre dignes de cet état d’étonnement et d’exaltation émerveillée où nous plongent le mystère et l’aura magique du nu féminin.
Car, véritable sujet de vénération, la femme est le feu central de cet univers, l’Eve éternelle dont la sensualité radieuse est un oui nuptial au monde. Son corps fascine, incendie l’imagination, exalte l’intransigeante pureté, appelle les rites les plus voluptueux et les onctions sacrées. Elle est la grande inspiratrice incarnant l’union de la libre nature et de la libre passion. Qu’il s’agisse de géantes ou de très jeunes filles, c’est toujours le principe féminin, dans ce qu’il peut avoir de dévorant ou de terriblement passionnel, qui est ici mis en scène. Tout un théâtre érotique où évoluent des insoumises osant s’affranchir des interdits, des pécheresses que leur péché sacralise, et où officient - auréolées du désir d’elles qu’elles suscitent ou avivent chez l’homme - les prêtresses d’un culte voué à une volupté aussi sauvage que raffinée.
Une œuvre tirant joie de l’irrévérence et de l’insolite,
du profanatoire et de l’extase.

L’explosion et la tension charnelle apparaissent toujours comme un rituel, une cérémonie magistralement orchestrée, une sorte d’élan sacral prenant couleur d’absolu et s’apparentant souvent à une quête d’impossible dont le revers ne peut être que la mort. C’est « Sixtine Agni », faisant coïncider son attente de l’amour avec celle de la mort, en laissant au hasard le soin de décider si les feuilles de la plante qu’elle mâche sont - ou non - de la ciguë. C’est Marceline Caïn, dans « Le Sang de l’agneau » (Le Musée noir) qui n’hésite pas à assassiner ses parents après qu’un boucher noir l’a violée lors d’une escapade nocturne. Un récit dans lequel Mandiargues dit avoir tenté de donner forme « aux mystères de la bestialité, de la complicité du poil et du sang, où réside la signification obscure du sacrifice ». Un monde où règnent l’amour, la mort et le sang - celui de la virginité perdue comme celui des cruautés, consenties ou pas. Violence propre à l’empire des sens, et dont le couteau est l’emblème - un recueil a pour titre Sous la lame - tant il est vrai que se conjoignent en lui les figures symétriques de la mise à nu et de la mise à mort.
Libération de l’instinct, jeux voluptueux où l’on s’offre à la mort comme à une caresse, c’est dans « l’innocence farouche d’un univers enfin déchaîné » que nous introduit Mandiargues. Par le rêve et la vision, les images et les sensations, l’exactitude et la minutie. Et grâce à un style et une langue dont l’élégance et la rigueur déshabillent les mécanismes du désir autant qu’elle pare d’une lumière d’évidence les ressorts de l’émerveillement. Une écriture participant de la fantasmagorie des noces du vrai et des vertiges du désir, et que semble innerver un humour somptueusement subversif, à l’image de ces nains servant de perchoirs vivants à des perruches qui les couvrent de crotte, ou du jeu du « Black and white » (in Les Années sordides) consistant à « faire lutter deux jeunes négresses entièrement nues à l’intérieur d’une grande cuve remplie de plâtre ». Humour qui ajoute au prestige de la prose d’un homme qui voyait en l’écrivain, un voyant émerveillé, et qui n’aura pris au sérieux que deux choses : l’amour et la poésie.

Récits érotiques et fantastiques d’André Pieyre de Mandiargues - Avant-propos de Gérard Macé, Gallimard, « Quarto », 952 pages, 27

Scandaleuse beauté Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°104 , juin 2009.
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