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Domaine étranger L’amour à quatre voix

octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107 | par Chloé Brendlé

L’Américaine Jayne Anne Phillips revient en littérature avec un roman choral sur les enfants de la guerre de Corée. Avec sensualité.

Les écrivains américains n’hésitent pas à s’emparer des crises des États-Unis. Dans le nouveau roman de Jayne Anne Phillips (on lui doit Rêves de machines ou le recueil Billets noirs), c’est la guerre de Corée qui nourrit la fiction. La guerre de Corée, autrement dit une « action policière ratée »« l’état-major (américain) vous coinçait le cul entre deux sangles pendant que les communistes le prenaient pour cible » : ainsi la résume un personnage. Mais on n’en verra pas grand-chose : on assistera, dès les premiers mois du conflit, aux derniers jours d’un GI just married, Robert Leavitt, le bien nommé. Le titre nous invite plutôt à nous intéresser à un couple bien particulier, non pas le couple tragique des jeunes mariés au destin fauché par l’absurdité d’une guerre, mais le couple d’enfants. Il y a d’abord Lark, que Lola, la femme de Robert, a eu d’une première liaison. Puis Termite, le fils que Leavitt n’aura connu qu’en rêve. L’enfant né handicapé. Qui aime les bruits de la pluie et de l’orage, de la voie ferrée aussi, et la musique surtout. Qui n’ouvre la bouche que pour répéter les paroles des autres, retenant non le sens, mais les sons. Lark le présente ainsi : « Mon frère est capable d’imiter n’importe quoi. Quand il les répète, les choses ont soudain l’air beaucoup plus musicales. Des notes à la place des mots ». Lark et Termite : un couple bancal, dissymétrique. Une jeune fille qui semble tombée du ciel (lark désigne l’alouette en anglais), avide de vie, battante, et un enfant condamné à rester assis, à battre des mains à toute vitesse.
Imprimés dans la chair des êtres.
Toni Morrison en aurait sûrement fait une histoire très sombre, Jayne Anne Phillips en tire presque un message d’espoir. Car la tautologie à laquelle sont vouées les paroles de Termite sert autant à faire ressortir l’absence de sens du monde, qu’à tenter de capter l’émotion brute dans les gestes et les bruits des gens qui l’entourent. Il s’agit bel et bien d’une histoire d’amour. De plusieurs même. Lark et Termite peint en effet une famille : les liens qui malgré l’horreur, la distance physique, la perte et la trahison, demeurent et s’impriment dans la chair des êtres. Dans un va-et-vient entre le passé et le présent, entre juillet 1950 en Corée du Sud et juillet 1959 en Virginie occidentale, ce sont quatre voix qui s’entremêlent. Celle, classique, d’un narrateur, qui relate les souvenirs et le présent du caporal Leavitt, celle de Lark, celle de Nora, sœur de Lola, et enfin celle, clopin-clopant, d’un narrateur, mêlée à celle de Termite (le « je » n’est employé qu’une seule fois pour lui - difficile en effet de rendre les pensées de celui qui n’a pas de mots…).
Le principe de l’alternance permet de montrer les séquelles de la guerre et d’établir des échos entre la mort de Leavitt et la disparition de la fantasque Lola. Entre Leavitt blessé, entouré d’une jeune Coréenne et son frère aveugle, qu’il a aidés à se réfugier dans un tunnel pendant une attaque aérienne de l’armée américaine, et Lark et Termite, neuf ans plus tard, jouant près d’un autre tunnel. Echos encore, entre la douleur paralysante du corps atteint par une balle, et la douleur, à distance, du corps qui accouche.
Ce livre a l’ambition d’un Faulkner, sans être pour autant à la hauteur : on regrette parfois une trop grande simplicité d’intentions, qui va de pair, peut-être, avec une trop grande simplicité de style. Mais il est empreint d’une poésie et d’une sensualité certaines, et oscille de façon réussie entre la description de l’intérieur, des sentiments, et celle de l’extérieur, du corps en souffrance ou en extase. Ce sont ainsi l’enfance et la recherche des origines que retranscrit l’auteur : on ne mentirait pas en disant que Lark et Termite est l’histoire d’une fille qui voulait emmener son frère écouter l’océan…

Lark et Termite de Jayne Anne Phillips
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Amfreville
Christian Bourgois, 424 pages, 26

L’amour à quatre voix Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°107 , octobre 2009.
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