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Domaine français Fin de partie

mai 2010 | Le Matricule des Anges n°113 | par Thierry Cecille

La mort, d’ordinaire, nous fait taire - mais qu’en est-il quand le mort, la devançant, avait choisi le silence ? Tony Duvert, une fois disparu, aura-t-il enfin le dernier mot ?.

Dans les derniers jours d’août 2008, un corps est découvert, dans une modeste maison d’un village reculé du Loir-et-Cher. Ce corps repose là, si l’on peut dire, depuis plus d’un mois : sans doute l’état de putréfaction est-il déjà bien avancé, l’odeur à la fois douceâtre et entêtante, sans doute les voisins éprouvent-ils quelques remords de n’avoir pas plus tôt soupçonné l’irrémédiable. Mais ils n’ont rien à craindre : ce mort ne fera pas la une des journaux, des cohortes de reporters excités ne viendront pas les assaillir. La rumeur n’atteindra - et pourra émouvoir, troubler - que quelques rares lecteurs d’hier, pas totalement amnésiques : celui qui vient de mourir fut, dans les années profondes, les inconcevables années 60-70, un écrivain reconnu, à la fois prometteur et scandaleux : Tony Duvert.
« D’abord il est question d’un nom. On dirait un pseudonyme. Je me souviens que c’est d’abord ce qui me frappe, ce nom un peu timide, en bleu sur la couverture blanche. J’aime bien ce prénom de Tony, on dirait tout de suite un copain d’enfance. » Ainsi commence ce qui pourrait sembler, plus qu’un hommage, une sorte de lettre à ce mort, que Gilles Sebahn lut et admira, dont il se sentit proche, mais qu’il ne rencontra jamais : lorsque Sebhan entrait dans la vie (il est né en 1967), Duvert, lui, s’en était déjà retiré. Ces pages tentent d’approcher l’énigme de cette existence : qu’est-ce qui guida Duvert, des années durant, dans cette curieuse folie qu’est l’entreprise d’écrire - et qu’est-ce qui, peu à peu, le conduisit à se taire, le rendit à ce silence qui, jusqu’à la mort, ne devait plus être rompu ? Sebhan a tenté d’enquêter, avec discrétion, il est fait mention d’un frère, on peut penser qu’Irène et Mathieu Lindon ont confié quelques souvenirs de celui que Jérome Lindon avait toujours soutenu (même si Duvert, aux moments de découragement, put en douter)… Mais la récolte, de ce côté, fut maigre sans doute - les œuvres seules, alors, demeuraient et c’était à partir d’elles qu’il faudrait échafauder des hypothèses. Sebhan s’y essaie - et prend le risque, en même temps, d’une écriture subjective et sensible, métaphorique ou ironique parfois, qui ne mime pas celle de Duvert mais en constitue comme une sorte de modulation…
Peut-être y eut-il donc, à l’origine, dans les ternes années 50, un « enfant silencieux », « un enfant qui ne se remet pas d’avoir grandi », élevé par une mère trop et mal aimante alors que le père, lui, s’est enfui. Puis un adolescent déjà scandaleux : renvoyé du lycée pour avoir désiré un garçon, il est livré à un psychiatre pervers. Le voici « enfant suicidé » : « quelque chose en lui était mort. Mort avant la mort. Enfant et mort ». L’intelligence, le don des mots, le goût des phrases peu à peu s’affirment : le premier récit, Récidive, jugé pornographique, est vendu sous le manteau. D’autres suivent, salués par la critique, pourtant aussi peu recevables : il y est question de viols, de jeunes adolescents fugueurs ou prostitués, d’enfants qu’il faut voler aux mères abusives. Avec L’Ile atlantique, qui devrait figurer dans tous les manuels scolaires, vient le succès - mais il est trop tard déjà : « Quelque chose est en train de se détraquer. Cela couve depuis longtemps. Quelque chose est en train de craquer ». Duvert s’éloigne, se terre, se tait : « On dirait qu’il a réussi à se subtiliser vivant. » La littérature ne sauve pas, ne guérit rien : la misère et la solitude le poussent à retourner vivre face à sa mère, « une mère comme une condamnation à perpétuité ». Il survit, vingt ans, dans cette maison - dans cette maison sa mère meurt, en 1996, dans cette maison, il meurt, en 2008. Dans la chaleur de juillet, « le corps enfin s’est mis à parler, libérant l’ordure des mots qui ont commencé à couler de lui » - mais personne n’est plus là pour l’entendre.

Tony Duvert L’enfant silencieux
de Gilles Sebhan
Denoël, 147 pages, 14

Fin de partie Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°113 , mai 2010.
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