Nous ne sommes pas au monde « , tel était le constat liminaire d’Étoiles ennemies, premier récit hypnotique et crépusculaire d’Alain Hobé (cf. Lmda N°85). Cette même absence au monde sature Lieu commun, mais d’une manière autrement plus insidieuse. Des ombres, » êtres inhabités dont le teint cireux leur fait (comme) un masque « , à peine arrachées du sommeil, abêties, répondent mécaniquement à l’appel d’une liste. Parmi les cris, les chiens, une » musique crachotée par (un) haut-parleur « , les coups. Entre semblables insignifiants. Environné de barbelés, avec des murs pour seul horizon, sous un » ciel de camp « . À l’unisson. Un cortège de » on « s’affaire dans une parfaite » confiscation de la personne « . Tantôt ramassant des ordures inexistantes, tantôt creusant un trou où nul ne sera déposé. Comble de l’absurde. Soit dans un monde cru, sans corps sans dehors, où chacun peut même s’attendre à ce que » peu à peu les arbres prennent l’apparence de murs. À ce que les ramures prennent l’apparence de toits. Et les ronces celle de fils. « Un monde où l’on craint de se reconnaître jusque dans sa différence, où le sentiment d’exister a la consistance de quelques bouffées de cigarette.
Récit d’une servitude ordinaire, Lieu commun dispense un malaise diffus, atone. Un malaise dont on ne sait pas s’il provient de ce que Alain Hobé semble dire allégoriquement de notre facilité à mener une » vie hors la vie. Nourrie d’habitudes qui n’en sont pas parce qu’on n’y prête pas plus attention qu’à la respiration. Qu’au clignement des yeux. Une vie nourrie d’un ennui qui n’existe plus parce qu’il n’y a que lui. " Une petite vie démocratique de citoyen que les relents raciaux et l’intrusion sécuritaire n’altèrent en rien.
lieu commun
d’alain hobé
éditions Fissile, 114 pages, 15 €
Poésie Lieu commun
juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114
| par
Jérôme Goude
Un livre
Lieu commun
Par
Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°114
, juin 2010.