Et la lumière fut. Du cœur des ténèbres de l’absence, (abandon ou perte, qu’importe ?) - du plus loin de la mémoire fidèle, sombre et éclatante, elle filtre, excavée, datée au Carbone 14, la vérité des moments partagés, de la vie complète - celle qui s’expérimente immédiatement, spontanément, sans arrière-pensée, sans doute - où l’onirique n’est plus un de ses succédanés, mais une force qui participe pleinement de son essence : « le caducée du rêve va m’éclairant ».
Elle engendre de courts textes de prose poétique, datés très précisément (du 23 février 2005 au 11 avril 2006), tempo inexorable des jours en ligne de fuite - passé, présent, futur, les temps se carambolent : « j’irai où j’allais. Je me perdrai dans le souvenir d’un souvenir. - Je deviendrai moins mortelle et je me souviendrai d’avoir été. - » Mais aussi calendrier des événements, des sentiments, étudiés au compte-fils - ce verre grossissant avec lequel les photographes choisissent leurs images. Il y a dans cet opus une texture d’instantanés, des choses prises sur le vif, qui se mêlent à l’écriture musicale à laquelle Lina Lachgar nous a habitués - ode à la « Saison Bleu Louise », à l’être aimé - voussoyé, tenu près et à distance tout ensemble - dans le droit fil de Quelques jours à Twilightstrasse (2006).
Ici encore, le chant sourdre (Bach - les variations Goldberg, toujours - et Billie Holiday, aussi…), mais comme autant de flammèches d’un magma en fusion, - le vivant, comme un volcan qu’il faut à la fois célébrer, suivre (surveiller), dont les retombées doivent être triées, organisées - et cueillir, comme en offrande impromptue « la promesse de l’âme rassérénée », au détour d’un instant. Car l’écriture poétique de Lina Lachgar, ici poreuse, douce et rêche comme une pierre ponce, « maintient l’accidentel et le fantastique », et se situe par là même à la très juste place, dans l’interstice mystérieux entre la vie et le néant, « laissant un léger sillage de fumée ou de voix basse… »
CARBONE 14
de LINA LACHGAR
éditions de la Différence, 90 pages, 13 €
Poésie Carbone 14
juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115
| par
Lucie Clair
Un livre
Carbone 14
Par
Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°115
, juillet 2010.