Trois destins, trois portraits de femmes ayant une même passion pour la littérature et pour l’écriture : Virginia Woolf, Sylvia Plath, Marina Tsvétaïeva. Elles sont changeantes, instables, comme les mouvements de l’âme ou la fuyante vérité. Elles ont besoin d’aimer, ont l’exigence tranchante, sont toute en vibrations, passent de l’euphorie à la mélancolie, ont chacune leurs chimères, leurs monstres intimes, leurs désirs. C’est un peu leur livre intérieur que nous donne à feuilleter Shoshana Rappaport. Un livre fait de traces, de mémoire sensorielle, de gestes, de réalité brute. Une façon de nous faire pénétrer dans l’intimité du quotidien et dans l’arrière-pays d’une écriture. C’est Virginia Woolf avec son « sourire au bord des larmes », son cerveau qui parfois « se ferme » et « devient chrysalide », sa représentation de la vie comme formée d’une série de présents immobilisés, sa lutte contre la migraine et les assauts de la dépression. C’est Sylvia Plath aux prises avec ses « moi » contradictoires, sa dépendance de l’autre, son mal de vivre et ses poèmes aux rythmes étranges. C’est Marina Tsvétaïeva, son « charme aigu », son incandescence, sa vie de souffrance et ses amours, sa langue « grenue, aphoristique, subjuguant par son impitoyable logique ». « La seule fête de sa vie ce sont ses vers. »
Trois vies, trois œuvres hantées par la perte et la quête d’une unité égarée. De ces forces qui désaccordent, Shoshana Rappaport nous donne un autre aperçu dans ses Brefs impératifs, une série de textes hésitant entre la lettre et la page de carnet, le dialogue à distance et l’ombre portée d’un amour. Un entre-deux qu’elle tente de cerner en une suite d’affleurements, par bribes, avec un sens intime du temps. Reste comme la trame d’un livre impossible à écrire : « un chantier en chantier », un horizon et des vœux pieux. « Tracer des lignes encerclantes » ; « parvenir à mythologiser les signes du présent » ; « saisir ce qui gauchit » ou « être bref, obscur, attrayant »… En ce sens, l’objectif est atteint.
LÉGER MIEUX ET BREFS IMPÉRATIFS
de SHOSHANA RAPPAPORT
L’ACTMEM, 120 et 144 pages, 17 et 18 €
Poésie Léger mieux et brefs impératifs
juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115
| par
Richard Blin
Des livres
Léger mieux et brefs impératifs
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°115
, juillet 2010.