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Domaine français Franck, en boucles

septembre 2010 | Le Matricule des Anges n°116 | par Pascal Jourdana

Des trajets reconstitués, des attentes revécues, des sentiments retrouvés. Un roman de réconciliation, puissant et poétique, d’Anne Savelli.

On connaît son prénom dès le titre, mais celui-ci n’apparaît que tardivement, articulé avec difficulté par son père qui le déclare en mairie de Boulogne-sur-Mer le 6juin 1968. Car le récit débute à une autre époque, à Paris métro Château-Landon, fin des années quatre-vingt-dix, où Franck, allongé dans un appartement, semble insensible au bruit des trains de la Gare de l’Est juste au-dessous. Non. Le récit commence quinze ans plus tôt, Gare du Nord, où « trois ou quatre corps jeunes, courbés, de biais (…) attendent le vent », accompagnés de chiens, de rats peut-être, habillés de pointes et de clous, fantômes cliquetants faisant à peine la manche, oscillant du squat à cette gare alors non rénovée, pleine de « suie et de crasse »
Tout le livre procède ainsi, par alternance de lieux et d’époques, en boucles. Des litanies de stations (Jourdain, Oberkampf, Pernety, Gare du Nord…) de villes (Fleury-Mérogis, Béthune, Gravelines, Loos-les-Lille…), parfois de rues. Autant de jalons apparemment désordonnés qui reconstituent plusieurs parcours. Ceux d’abord que la narratrice a effectués pour visiter Franck en prison : des heures de transport pour des parloirs d’à peine une demi-heure où parfois rien ne se disait entre eux (ont-ils même jamais exprimé d’amour ?). Des étapes pour se souvenir, car la narratrice reprend chaque lieu, chaque heure, chaque parcours, chaque modeste appartement où elle a vécu, toujours en hauteur, fenêtres ouvertes sur la ville, le ciel et les bruits. Une mémoire parfois confuse qu’elle essaye de démêler en retraversant les salles de pas perdus, en reprenant le train, en s’interrogeant sans cesse : « Où installer Longueau, dont l’écho des syllabes résonne encore dans la gare, dans la mémoire encore (…) ? » Le temps, celui des attentes, celui des souvenirs, est impossible à évaluer, mais elle s’obstine. « Impossible de savoir si ça vaut le coup (…) s’il vaut quelque chose ou ne vaut rien, ce temps, et jusqu’où il peut s’étirer ».
Autre parcours, la vie de Franck elle-même. L’enfance (Pas-de-Calais, courses à marée basse sur la plage de Grand-Fort-Philippe avec ses frères, dont il apprendra plus tard qu’ils ne le sont pas en même temps qu’il saura son véritable nom), l’adolescence (Paris, premier travail en boulangerie). Puis le début des ennuis, le sentiment d’injustice définitivement installé, celui aussi de n’être désiré nulle part, tout comme la bande de squatters à laquelle il s’attachera. Un indésirable, on le lui fera sentir à sa sortie de prison, où seuls des stages et non un vrai travail lui seront proposés. Des journées à traîner dans les halls de gare, puis la liste des maisons d’arrêt, les récidives, les bagarres, les disparitions… Un être qui ne tient pas en place, sait-il faire autrement ? Elle, elle ne sait plus trop quand sa trajectoire a réellement croisé la sienne, mais un jour, c’est assez, elle ne reviendra pas vers lui. « Fini, perdu de vue. »
Ce livre, certes, restitue la vie des squatters, le rapport à l’administration pénitentiaire, le désarroi des proches, la cruauté des villes, la difficulté à sortir de l’errance… Il est aussi une réflexion sur l’écriture et sur la lecture, qu’il serait trop long de développer ici (signalons juste que tout le texte porte la trace d’Un homme qui dort de Perec). Mais Franck est, avant tout, un roman de reconstruction (de réhabilitation ?), à partir de souvenirs, de photos, d’agendas, de listes, d’horaires… que l’auteure assemble en une prose poétique qui amplifie le travail déjà à l’œuvre dans son premier livre, Fenêtres, Open space (éd. Le mot et le reste). Portée par une langue qui happe le lecteur dès l’ouverture, Anne Savelli impose une voix, un rythme. Sous sa plume, Franck, cet être fuyant, insaisissable, finit par imposer sa présence.

Pascal Jourdana

Franck
d’Anne Savelli
Stock, « La Forêt », 304 pages, 19

Franck, en boucles Par Pascal Jourdana
Le Matricule des Anges n°116 , septembre 2010.
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