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Domaine français Leçon d’insoumission

septembre 2011 | Le Matricule des Anges n°126 | par Valérie Nigdélian

Du Paris populaire au New York jazzy et underground, un premier roman de Dominique Dupart électrique et indigné.

Une héroïne, à l’aube de l’âge adulte, part à la découverte de l’amour, de l’étranger et de la musique. » C’est ce qu’énonce la quatrième de couverture du roman de Dominique Dupart, enseignante en littérature française à Lille III, membre du comité de rédaction des revues Vacarme et Écrire l’histoire. Que le lecteur, surtout, ne s’y fie pas ! Et encore moins à la légèreté aquatique de la photographie de Tarik Noui reproduite en couverture !
Étrange héroïne en effet, que cette silhouette sans nom qui traverse le récit et Paris en tous sens, à pied, en métro, en taxi – la seule véritable héroïne du roman s’agglutinant en une multitude de petits papiers pliés. L’amour ? Une rencontre avec « le garçon », Choucri, jeune dealer qui lui vend un mariage arrangé avec un sans-papier. L’étranger ? Une plongée ahurissante au cœur de la Goutte-d’Or, « dans la part du domaine qui revient à Hadès, Hadès ou Anubis, Anubis ou Mithra » : l’enfer donc, d’une société au rebut face au diktat « PACITALISM », où survivent proxénètes et prostituées, vendeurs à la sauvette et clandestins terrés sous la menace permanente de l’expulsion. Où, rue Myrha justement, la « mosquée (est) dans la rue » et « les hommes (…) allongés sur le sol entre les voitures ». L’enfer du ghetto, tout noir, produit par les racismes ordinaires, l’abandon des populations et les entreprises de ravalement, au titre que « Ça leur ferait du bien À tous ces feignants De la peinture blanche sur la face. » Et la musique ? Oui, bien sûr, la musique ; mais c’est plus qu’une « découverte » : elle est de fait le principe producteur du texte, modulant ses phrases selon une envoûtante combinatoire.
Reprenons. Dans un Paris suintant « le ciment liquide » des grands projets, la violence policière – seule réponse politique à la misère – tourne à la chasse à l’homme. Dans « ce pays, le pays des droits de l’homme, le pays de MES FESSES », fleurissent les croix gammées et les crispations identitaires. C’est là la donne politique constitutive du roman, l’espace à l’intérieur duquel il se déploie avec la brutalité d’une évidence indiscutable. C’est aussi là qu’advient le choc, littéraire. Précipité avec « la fille », « seule blanche dans la rue », dans le chaos rien moins que pittoresque des rues arpentées, de Barbès à Stalingrad, entre bananes, viandes et corans dans les vitrines des épiceries, entre églises, synagogues et mosquées, le lecteur doit se raccrocher à des signes, des noms, des lieux incertains. Dès la deuxième page, tout est joué : le voilà pris au piège de la langue nerveuse et puissante de Dupart décrivant avec une intensité sidérée une descente de police. Par les yeux écarquillés de « la fille », le réel est retranscrit au présent en surfaces, couleurs, mouvements, vitesses incompréhensibles, et le rythme narratif percé de suspensions et d’accélérations. Plus de hiérarchie, plus de détails, plus de vision d’ensemble : dans cette toile abstraite, plus rien ne fait sens (« Dans quel sens S’il vous plaît (…). On s’en fout du sens (…). Dans le sens que vous voulez Monsieur »).
C’est donc cela, Myhra, mais ce serait oublier Tonic, ce club de jazz new-yorkais à qui le livre est dédié et où, devant les « rideaux rouges de ses expéditions » fut révélé John Zorn, le grand saxophoniste avant-gardiste, l’inclassable compositeur de Masada, exploration de son héritage juif : le Tonic, c’est, contrepoint de Myrha, le symbole de la réinvention de la culture juive en une création vivante loin de tout traditionalisme. Fondée sur des allers-retours permanents entre Paris et New York, la seconde partie du livre travaille à mettre fin à toutes les guerres, métissant ces deux univers, les réconciliant en des chapitres à la musicalité flamboyante, emmenant le lecteur dans un voyage sans repères. Un corps qui s’enfonce dans l’eau, les sons, les lectures ; le sexe de Choucri ; le chant (probable) d’Oum Khaltoum ; un crachat sur la vitre d’un parloir ; l’assassinat d’un chien : telles des notes, les images se mélangent, créant une partition tout sauf narrative, une déflagration poétique où se brouillent les lieux et les chronologies. Dans l’état de confusion et d’ouverture extrêmes de la conscience se reconstruit pourtant une unité plurielle, hétérogène, contradictoire où la coprésence des étrangetés est enfin rendue possible.
Alors, « épopée initiatique », comme le pose la quatrième de couverture ? Oui peut-être car, d’abord passive – elle attend, regarde, écoute, paie, reçoit bouche entrouverte la fumée narcotique que lui insuffle Choucri –, « la fille » se trouve enfin, et trouve le monde. La voilà dès lors prête à prendre la parole – exprimer, créer, agir, dénoncer : « Tous les objets, la trompette, le saxophone, la guitare, tous les instruments, tous les bruits des écritures qui recyclent des objets anciens, pourquoi pas elle ? Elle peut simplement écrire ça, la vérité. Elle peut expliquer que ça ne lui suffit plus de sentir et que ça suffit même d’écouter. »

Valérie Nigdélian-Fabre

Myrha Tonic
Dominique Dupart
Léo Scheer, « Laureli », 145 pages, 16,50

Leçon d’insoumission Par Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°126 , septembre 2011.
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