Un livre

Comme des mouches, pièces politiques

de Sylvain Levey

Editions Théâtrales

Peut-être est-ce la conjoncture qui a poussé Sylvain Levey à passer progressivement de l’écriture pour le jeune public à ces « pièces politiques ». Mais l’auteur n’a pas oublié la recette des contes cruels ou drôles. Dans Au pays de, deux « petits canards » évoquent le suicide de François, découvert mort une balle dans la tête par Plume, Tonnerre, La Croqueuse, Le Lion. François n’allait pas bien depuis un moment. Surtout depuis qu’il était en butte au sadisme banal et aux multiples vexations de ses collègues de bureau : Blackberrywoman, Chaussures croco, et Cravate de soie. « The show must go on », dira la direction : François travaillait pour une entreprise gérant un parc d’attractions.
Bruno, lui, est directeur des ressources humaines dans une grande entreprise qui licencie et se voit contrainte de délocaliser. Son quotidien de père de famille, un peu pressé, sa femme Nathalie, qui voudrait bien être embrassée plus souvent : tout se déroule Dans la joie et la bonne humeur. Sauf pour Marie, dont le mari s’est immolé par le feu, et qui « mange devant la télé, dor(t) devant la télé, quelque fois le jour, quelquefois la nuit ».
On ne cherchera pas de psychologie chez Sylvain Levey, qui décrit le monde contemporain à grands traits. Cependant, ces « pièces politiques » tracent entre bourreaux et victimes, favoris sans visages et exclus sans nom, la barrière invisible du langage. Si Au pays de et Respecter la procédure mettent en scène le chœur impérieux, lapidaire, stéréotypé, machinal des managers et des chefaillons, Avec un grand F décline le bourrage de crâne sémantique subi par une jeune femme : «  BLACKBERRY SAUCISSES HERTA – ÇA VA DE SOI GAGNER PLUS – SUPER HEROS MANGER PLUS – ABONNEMENT COUSCOUS GARBIT – CARTE DE FIDELITE PLUS PLUS PLUS ». Violence sociale qui est aussi linguistique, et dont le théâtre porte l’écho.

E. L.

Comme des mouches,
pièces politiques
de Sylvain Levey
Éditions Théâtrales, 222 pages, 19 €