La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Devant la loi

novembre 2011 | Le Matricule des Anges n°128 | par Jérôme Goude

Le narrateur de La Barbarie raconte comment, de retour à Terrèbre, sa ville natale, il fut insensiblement pris dans l’étau d’une machination totalitaire.

La Barbarie, ses quelque 123 pages, constitue l’épilogue des Barbares (cf. Lmda N°125), mais il peut aussi être lu comme un récit autonome, à savoir indépendamment des autres œuvres imaginatives qui composent Le Cycle des contrées. Plus avant, cet opuscule inédit pourrait bien être une excellente porte d’entrée pour celles et ceux qu’intimiderait l’écriture profuse, visionnaire et baroque, de Jacques Abeille. Les thèmes qu’il déploie, les réflexions qu’il sous-tend et jusqu’aux références textuelles dont il semble estomper les reliefs trop saillants, insuffleront sûrement aux non-initiés, comme aux fervents amateurs, le désir d’arpenter à rebours les savantes sinuosités d’un cycle romanesque encore inachevé.
Dans une pièce annexe des archives de la prison où il a été condamné à l’ostracisme, un homme affaibli consigne sur les derniers feuillets d’un cahier la somme des ultimes épreuves qu’il a traversées. Après avoir fait le récit d’une folle et vaine chevauchée, il s’attache à « poursuivre une narration où ne se donneront plus cours que la prose du monde et la bêtise humaine ». Ingénieux prosateur, Jacques Abeille immerge son narrateur au cœur de l’imbroglio administratif et institutionnel de la capitale d’un Empire qui s’entête à vouloir effacer toute trace du passage des hordes de soi-disant barbares et dont le nouveau régime ne dit pas son véritable nom. Au-delà du commerce charnel et amoureux d’une mystérieuse logeuse, du soutien d’un fonctionnaire du Conservatoire du livre et de l’imprimé, puis de la rencontre d’un « interlocuteur inespéré », Ludovic Lindien, l’écriture de La Barbarie opère une étonnante césure stylistique en resserrant ses mailles autour d’un implacable complot politico-judiciaire. Tout conspire à la perte de l’ultime témoin du déclin de la civilisation des Jardins statuaires. Les portes de Terrèbre à peine franchies, il essuie un premier revers. Après d’improbables démarches, il n’obtient de l’université qu’un poste subalterne et, pire encore, doit soumettre son travail à l’autorité d’une « sorte d’érudit vétilleux, solennel et bien-pensant »  : le professeur Charançon. Fait étrange, la présidente de l’association Gloire de la Glaire – apprécions ce trait mi-amusé mi-ironique contre l’idéologie des commandos anti-IVG –, « secte d’insanes et sots fanatiques » qui, suite à la publication d’un article, « Le galop nuptial des cavalières », déposera une plainte pour atteinte à la morale publique contre notre savant linguiste, n’est autre que madame Charançon… En dépit du bénéfice d’un non-lieu, l’antihéros de La Barbarie, soucieux de laver son honneur, décide de poursuivre l’association Gloire de la Glaire en diffamation. Il ignore alors que sa requête l’amènera à comparaître devant un tribunal d’exception, qu’il aura à répondre de haute trahison pour avoir côtoyé les barbares et, non pas traduit, mais écrit un « ouvrage de pure propagande »  : Les Jardins statuaires.
À tous ceux qui affirmeraient, avec un surcroît d’assurance, que l’imaginaire foisonnant de Jacques Abeille est à mille lieues de nos préoccupations contemporaines, La Barbarie offre un franc démenti. Certes, ce roman aux accents kafkaïens, orwelliens, où le « sentiment de l’altérité humaine (s’efface) au profit d’une intempérante et dérisoire affirmation de soi », et où quelque juge condamne un intellectuel à n’être plus qu’un rebut social, dépeint un monde fictif. Mais, toutes proportions gardées, un monde supposé démocratique qui validerait le fichage centralisé de 6,5 millions de personnes par le ministère de l’Intérieur et dans lequel un autre ministère, celui de l’Éducation nationale, proposerait de repérer les enfants de 5 ans « à risque », voire « à haut risque », n’exprimerait-il pas la même « bêtise citoyenne, la barbarie, la vraie »  ?

Jérôme Goude

La Barbarie
Jacques Abeille
Éditions Attila, 123 pages, 15

Devant la loi Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°128 , novembre 2011.
LMDA papier n°128
6,50 
LMDA PDF n°128
4,00