Un auteur

Frédéric Roux

Même s’il ne se « sent pas forcément être un sex-symbol », à l’instar d’Anne Hathaway et de Dita Von Teese, et qu’il apprécie peu qu’on rappelle sa « carrière pugilistique médiocre » (champion de France universitaire dans la catégorie mi-moyens…), force est de constater que lorsqu’il est question de boxe, Frédéric Roux se pose là. Son premier roman, Lève ton gauche ! (Ramsay, 1984, rééd. Gallimard, 1995), narrait l’amère histoire d’un boxeur trop désespéré pour se satisfaire de la moyenne quotidienne, mais trop rêveur pour faire un grand combattant. À maints égards, ce boxeur en dilettante ressemblait fort à son auteur qui, comme lui, connut « douze métiers, treize misères » – Roux fut tour à tour pédicure, enseignant, peintre en bâtiment, journaliste sportif pour L’Humanité, et bien d’autres joyeusetés. De la boxe, il en fut ensuite question dans sa méthodique biographie de l’un des poids lourds les plus controversés – Mike Tyson, un cauchemar américain (Grasset, 1999) – puis avec Ring (id., 2004), roman moins pugilistique cependant que ne le laisserait supposer le titre puisqu’il s’agit avant tout d’une satire des années 80 et de l’art contemporain en particulier. Ancien pilier du collectif artistique Présence Panchounette, « groupe d’esthètes de mauvais goût  », Roux se caractérise selon ses propres dires par un « style avant-garde  » qui ne dédaigne pas d’allègrement puiser dans le réservoir à citations que compose la littérature.
Ainsi son dernier livre en est-il un parfait exemple, qui est constitué presque exclusivement d’extraits des centaines de témoignages et de commentaires portés sur le plus grand athlète du demi-siècle écoulé : Cassius Clay, jeune prodige de la boxe, naïf et fanfaron, devenu Muhammad Ali, champion du monde incontesté en 1964, objecteur de conscience en 1966, interdit de ring en 1967 et à nouveau tenant mondial du titre dans les années 70 où il connut ses plus beaux combats, comme ses premières défaites… Privé de parole directe dans sa biographie, Ali, provocateur à la faconde anciennement renommée, n’intervient qu’à travers les milliers de phrases prononcées sur lui et dont l’ensemble, soigneusement récolté sur près de dix ans, tisse une inénarrable fresque, compose une épopée moderne tant par son sujet que par sa facture, crée un objet hypertrophié par l’extrême fragmentation des points de vue, permettant au lecteur de se forger sa vérité sur le personnage. Nul ne pourra dès lors rester coi face à la question que nous pose en épigraphe le héros de cet exploit littéraire : « Je m’appelle comment ? Alors, comment je m’appelle ?  »

Après celui de Tyson, vous choisissez le destin d’Ali pour raconter, à travers sa cyclopéenne biographie, une part de l’histoire des États-Unis. Est-ce pour la démesure du personnage ou pour la période non moins excessive dans laquelle il s’inscrit ?
Les choses sont plus triviales que cela. Après avoir été licencié de mon poste de directeur artistique du musée...