JE SUIS L’AUTRE MOITIÉ DE TON PÉCHÉ
de BÉNÉDICTE HEIM
Les Contrebandiers, 150 pages, 15 €
Insolente et nue, la tension désirante qui féconde l’écriture de Bénédicte Heim enfièvre la voix de ceux auxquels elle donne la parole – des êtres qui se sont aventurés jusque là où l’amour fou transmue son désir d’éternité en exigence de création. Une écriture qui bat comme un pouls, s’immisce au plus intime et au plus singulier de l’expérience amoureuse. Des lignes de voix qui se croisent, s’épanchent, redonnent corps à ce couple qu’Elle et Lui formaient, à ce Nous à partir duquel Elle a tant écrit, et Lui tant peint et photographié. C’est un jeune homme venu interroger la survivante de ce couple légendaire qui est à l’origine de ce flux de voix, de la lente levée de tout ce qui aurait dû demeurer secret. Des voix qui disent combien le corps peut être ce « raccourci foudroyant pour se fondre dans le divin », combien la femme représente l’incarnation au sens le plus sacré et le plus trivial du terme, mais combien aussi ce déchirant désir de communion sacrée et cette volonté d’accomplissement esthétique de l’existence peuvent conduire à l’implosion du Nous : par inaptitude à renoncer à rien, et quand, par trop de lumière, tout se fige et que « sous le soleil fixe tout s’éteint ».
De l’incandescence de la chair à l’absolu besoin d’adoration, c’est l’inquiétante splendeur des figures de l’amour se détachant sur fond de néant, que nous donne à méditer Bénédicte Heim. Car ce temps de l’éperdu, ce temps de l’élan sacré, cette grâce, cet excès d’adéquation peuvent virer à l’asphyxie. N’empêche que « l’inéluctable des corps qui prennent feu et tout aussi inéluctablement, se désaimantent, se désaiment » et la quête d’une béatitude qui sans cesse se dérobe, nous auront donné le cantique de perdition et d’espérance irraisonnée qu’est ce livre.
R.B
Domaine français Je suis l’autre moitié de ton péché
mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143
| par
Richard Blin
Un livre
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°143
, mai 2013.