Surtout connu pour ses courts métrages et pour avoir travaillé avec Mick Jagger ou Marianne Faithfull, Kenneth Anger (né en 1927) est aussi l’auteur de ce seul livre, publié en France en 1959 chez Pauvert mais longtemps interdit aux États-Unis. Un volume qui nous entraîne dans les coulisses d’Hollywood, lesquelles furent le théâtre de nombreux drames humains.
Article de presse et photos privées à l’appui, Anger présente les scandales les plus retentissants d’Hollywood. À nous donc de découvrir la vie à la fois étincelante et pitoyable de quelques-uns des plus grands noms du cinéma, de Charlie Chaplin à Jayne Mansfield, en passant par Erich von Stroheim et Rudolph Valentino. Toutes les stars ici réunies ont en commun d’avoir pété les plombs à un moment de leur carrière, peut-être simplement parce que « quand les gens passent de la pauvreté à la richesse en quelques semaines, leurs dispositions mentales ne sont pas toujours adaptées au décalage. Ils ont de l’argent, un jouet peu familier, et en font un usage bizarre. » Pour preuve le luxe tapageur de certains : le pont en marbre enjambant la piscine de Marion Davies, la salle de bains en onyx de Barbara La Marr, ou les poignées de porte en or massif de Charles Ray.
Ces caprices d’enfants richissimes ne sont rien à côté de la fin tragique de Jayne Mansfield, du chantage odieux dont Chaplin a été victime, des suicides, overdoses et autres crimes présentés ici par le menu. Nous y voyons Chaplin perdre la tête pour une nymphette, Erich von Stroheim réaliser des orgies monstrueuses, Lupe Velez s’exhiber en public sous les yeux de son compagnon Johnny Weissmuller… Nous y croisons aussi des personnages hauts en couleur : Rudolph Valentino par exemple, great lover arrêté pour bigamie, car s’étant marié avec sa seconde femme alors que l’acte de divorce d’avec la première n’était pas encore définitif ; ou Barbara La Marr, la junky la plus glamour d’Hollywood, morte à 26 ans d’une overdose, mais qui avait déjà eu six maris et qui ne dormait que deux heures par nuit.
Kenneth Anger n’est pas tendre envers la presse américaine, qui fit ses choux gras des errements des golden people d’Hollywood. Comment ne pas s’indigner qu’en 1943 la dépression de Frances Farmer ait fait de l’ombre « à une anecdote comme la Seconde Guerre mondiale à la une de la presse nationale » ?
Dans ce récit chronologique des égarements d’Hollywood (lequel s’étend des années folles jusqu’à la fin des années 1960), chaque scandale se lit comme une nouvelle. Toutes richement documentées, ces reconstitutions montrent ce que le gotha hollywoodien a produit de plus scabreux, réservant les paillettes pour la scène et laissant sa fragilité mentale s’exprimer loin des projecteurs. L’ensemble est d’une lecture agréable, mais le lecteur pourra aussi bien s’enthousiasmer pour ces affaires ou trouver tout cela bien futile.
Didier Garcia
Hollywood Babylone de Kenneth Anger
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gwilym Tonnerre
Tristram, « Souple », 320 pages, 11,95 €
Intemporels Golden people
mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143
| par
Didier Garcia
Un livre
Golden people
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°143
, mai 2013.